Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 102.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de cette civilisation arabe implantée au cœur de la Nigritie, c’est à la relation de Barth qu’il faut recourir ; elle fait aimer cet homme énergique et doux, qui garde un cœur si simple dans la souffrance et dans le triomphe. Ses compatriotes Vogel et Beurman lui succédèrent sur le lac Tchad et complétèrent ses travaux. Ils périrent tous deux, assassinés dans le Ouadaï ; mais une partie de leurs notes fut sauvée pour le monde savant. Au moment même où Barth traversait le premier les eaux du Bénoué supérieur, au-dessus de Yola, le capitaine Baikie remontait ce grand affluent du Niger. Burton visitait le pays des Achanti, ouvrant les routes à l’armée anglaise qui allait bientôt y faire campagne. Notre colonie du Sénégal, languissante jusqu’alors, prenait un essor vigoureux sous l’administration du général Faidherbe ; des missions d’études, parmi lesquelles il faut citer en premier lieu celle de Mage et de Quintin, devançaient nos colonnes sur le haut fleuve et jalonnaient le chemin que ces colonnes devaient suivre plus tard, aux bords du Niger occidental. Une autre colonie française naissait sous l’équateur, avec les explorations de Du Chaillu aux bouches du Gabon et de l’Ogowé. Dans le Sahara, M. Duveyrier pénétrait chez les Touareg, aux replis du grand désert ; il attachait son nom à des études si nécessaires pour les maîtres de l’Algérie. M. Gerhard Rohlfs préludait, dans la même région, aux voyages qui lui ont conquis une juste célébrité. — Vers 1860, le plus gros de la besogne était déjà fait dans toute l’Afrique du nord-ouest, de la Méditerranée au golfe de Bénin, de l’Atlantique au lac Tchad.

À ce moment, la passion des explorateurs et la curiosité du public se tournèrent vers l’Afrique orientale ; vers ces mystérieuses sources du Nil qui occupaient depuis l’antiquité l’imagination des hommes. Il n’était plus permis de confondre, comme on l’avait fait si longtemps, le bassin du grand fleuve égyptien et celui du Niger ; mais la confusion persistait encore, pour tout le régime des eaux équatoriales, entre le Nil, le Zambèze et le Congo. Livingstone la débrouilla pour le Zambèze ; dans ses deux premiers voyages, de 1853 à 1864, il découvrit la chute et les sources de ce fleuve, détermina exactement son bassin, traversa de part en part le continent austral. Dans sa troisième expédition, il releva les origines d’un puissant cours d’eau, alimenté par une série de vastes lacs, du Banguéolo au Tanganyka ; il croyait tenir les sources du Nil : c’était le Congo. D’autres voyageurs venus par deux routes différentes, les uns partis de la côte orientale, les autres remontant le Nil avec les missions égyptiennes, atteignaient à la même époque les vrais lacs nilotiques. Burton, Speke et Grant y arrivaient de Zanzibar ; le pavillon anglais, qui avait paru pour la première fois sur le Tanganyka le 13 février 1858, flottait bientôt