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bonne heure une vie plus facile et une culture supérieure. On sait à quel degré de prospérité et de raffinement étaient parvenues les Flandres sous les ducs de Bourgogne ; on connaît le luxe qui régnait à leur cour, les encouragemens qu’ils prodiguaient aux arts et les chefs-d’œuvre produits par les van Eyck et leurs successeurs immédiats. A Bruges, à Gand et plus tard à Anvers, la richesse était extrême, et comme à Florence et à Venise, les marchands promoteurs de cette richesse en faisaient le plus noble emploi. Les plus anciens documens nous les montrent groupés en de nombreuses corporations. Dans une étude sur les Gildes de la Belgique[1], M. A. Vandenpeereboom attribue à ces associations une origine Scandinave et, sans pouvoir leur assigner une date positive, il signale leur premier établissement dans les colonies saxonnes de l’ouest des Flandres. Les unes sont des gildes rurales, sortes de syndicats organisés pour la culture des terres, pour l’exploitation des forêts et surtout pour la conquête ou la protection des terrains pris sur la mer. Les autres, les gildes urbaines ou marchandes, embrassent toutes les branches du commerce et de l’industrie. Une gilde supérieure, la gilde communale, est généralement chargée de régler les rapports de ces associations entre elles et de faire concourir leurs efforts au bien de tous.

Dans chaque ville, ces gildes urbaines sont nombreuses et puissantes. Dès le XIIIe siècle, on parle d’une vieille halle de la gilde à Bruges. Cette ville, en 1361, avait cinquante-deux corps de métiers et soixante-trois en 1430. À cette dernière date, Ypres en possédait cinquante-deux ; Bruxelles, au XVIe siècle, en comptait cinquante et Malines quarante-quatre. On sait l’importance qu’avaient prise à Gand les vingt-sept métiers de tisserands et les cinquante-deux autres petits métiers, sous Jacques van Artevelde qui, agrégé d’abord à la corporation des tisserands, puis nommé doyen de toutes les gildes, exerça pendant près de huit années (1337-1345) un pouvoir dictatorial sur la Flandre entière. A Liège, en 1313, nul ne pouvait être appelé à des fonctions communales s’il n’était inscrit dans un corps de métier, et Louvain, Malines, Tournai, presque toutes les autres villes possédaient également leurs corporations. Chacune de ces sociétés avait ses franchises propres et ses statuts, souvent despotiques et compliqués, que les dignitaires élus avaient pour mission de faire observer. Des prescriptions sévères réglaient les conditions de travail de chaque métier, le mode de recrutement des maîtres, le nombre des apprentis et la durée de leur apprentissage, la quantité, la marque et le prix des produits mis en vente. En dépit de cette réglementation à outrance, le

  1. Insérée dans le recueil Patria belgica (Bruxelles, 1873).