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entre eux les chapitres de cette histoire d’un demi-siècle de peinture, c’est celle-ci, que, — du peintre des Sabines, mais aussi du Sacre de Napoléon, en passant par le peintre de la Bataille d’Eylau, qui est celui de trop d’Hercule et Diomède, jusqu’au peintre du Massacre de Scio et de la Barricade, — l’école française a travaillé, sans y réussir toujours, à se débarrasser de l’idéal académique pour s’en créer un nouveau, de nouvelles règles, de nouvelles traditions et un nouvel objet. M. Michel l’a bien montré, dans une exposition rapide, mais complète, où le bon goût l’a toujours empêché de tomber dans l’énumération pure et simple des noms, des œuvres, des dates. Agréable et facile à lire, plein de ces anecdotes qui caractérisent les hommes et les époques, abondamment illustré, son livre sera sans doute plus que favorablement accueilli par tous les amateurs d’art.

Quant au point de savoir, si, comme le disait Sainte-Beuve il y a déjà longtemps, les anciens perdront la bataille, il y aurait à nous plus que de l’imprudence à le vouloir décider. Il y faudrait tout un livre, et surtout il y faudrait une compétence que nous ne saurions nous flatter d’avoir. Nous exprimerons seulement un vœu ! C’est qu’on devrait faire attention de ne pas mêler indiscrètement, dans une question d’art et de civilisation générale, une question de patriotisme. On sera toujours trop sûr, en opposant l’art national, « l’art français » à « l’art italien, » d’entraîner à sa suite tous ceux qui vivent dans cette illusion que leur pays est le premier du monde. C’est une illusion qui coûte cher. Sans y insister, je me contenterai de faire observer à ceux qui se servent de cet argument qu’ils s’indigneraient, sans doute, et à bon droit, si nous leur disions qu’en plaidant la cause de l’art gothique, ils plaident celle du « cléricalisme. » Le procédé serait déloyal. Il introduirait dans le problème un élément fâcheux de polémique. Mais comment donc ne voit-on pas qu’il en est de même quand on abuse contre les partisans de la renaissance de ce que Michel-Ange était de Florence, et Raphaël d’Urbin ? La seule question est de savoir si « nous nous sommes converti en sang et en nourriture, » selon l’expression de du Bellay, ce que nous leur avons primitivement emprunté. Et s’ils sont encore bons à suivre, il y aurait quelque naïveté à nous détourner d’eux parce qu’ils sont Italiens ; mais s’ils sont au contraire dangereux, est-ce d’être Français, comme les architectes de nos cathédrales gothiques, ou comme les trouvères de nos Chansons de geste, qui devrait les recommander à notre imitation ?

De ces considérations aux récits de voyages et aux atlas ou aux livres de géographie, la transition serait si facile qu’elle en paraîtrait un peu ridicule ; et on nous pardonnera de nous en dispenser. Voici donc d’abord la Nouvelle géographie moderne[1] de M. de Varigny, qui ne

  1. 1 vol. in-4o ; Librairie illustrée.