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budget d’expédiens péniblement enlevé à travers une série de petits échecs et par une dernière concession à l’esprit de secte introduit jusque dans les finances.

Au fond, un des premiers, un des plus vifs sentimens de cette chambre si jalouse de son omnipotence et si embarrassée de savoir ce qu’elle en fera, c’est un sentiment de perplexité et de crainte. Elle n’est point sans ressentir le besoin de remettre l’ordre, l’équilibre dans les finances, et elle n’a pas le courage d’aborder le problème, qui a bien en effet ses difficultés. Elle craint surtout de paraître se désavouer, d’avoir à subir devant le pays la responsabilité d’une aggravation d’impôts. On a livré, il y a quelques années, à l’impatience publique ce mot singulier, qui ressemblait à un programme, et qui n’était qu’une étourderie de parlementaires à la recherche de la popularité : « Ni emprunts ni impôts nouveaux ! » C’était bon avant les élections : après les élections, il a bien fallu se rendre à la nécessité, d’autant plus que la réincorporation des dépenses extraordinaires de la guerre dans le budget ordinaire imposait tout à la fois une liquidation et la création de nouvelles ressources permanentes. Il a fallu se soumettre, et la chambre nouvelle a eu son emprunt, — un emprunt de plus ajouté à tant d’autres ; elle vient de le voter non sans l’avoir ajourné tant qu’elle l’a pu, jusqu’à la dernière heure, non sans l’avoir fait attendre à M. le ministre des finances, qui en avait besoin pour sa grande opération de l’unification du budget. Elle a commencé aussi, puisqu’il le fallait, à voter les impôts nouveaux ; elle a essayé, — mais elle s’est sentie aussitôt ressaisie d’un mouvement de crainte. Elle a hésité devant l’impopularité, devant cette perspective d’avoir à voter 40 ou 50 millions de taxes nouvelles pour couvrir le déficit créé par l’unification du budget. Elle a cherché d’autres moyens, des combinaisons merveilleuses ; elle a imaginé des majorations de recettes pour l’année qui va s’ouvrir, des conversions des dettes temporaires, tout ce qui pouvait lui épargner de toucher au calice amer des impôts nouveaux. Elle s’est débattue, elle s’est agitée, si bien que, n’écoutant plus ni la commission du budget, ni le gouvernement, elle n’a pas tardé à se trouver dans une confusion complète, en présence d’une menace de crise ministérielle.

A quel propos une crise de ministère ? A propos de tout, à propos, particulièrement, d’une réduction d’intérêt des caisses d’épargne, des conditions dans lesquelles devait se réaliser cette réduction, de l’usage qu’on ferait du boni qui en résulterait. Quel serait le taux de l’intérêt réduit ? Ne pourrait-on pas, par une combinaison ingénieuse, graduer la réduction de façon à ménager les petits déposans ? D’un autre côté, ce boni qu’on allait obtenir, au lieu d’être une réserve pour les caisses d’épargne, ne serait-il pas un moyen tout trouvé pour aider à combler le déficit ? Au premier abord, l’idée la plus simple, sans doute, était de