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souvent, dans un assez bref délai. Les plantes qui continuent à croître dans un jardin tropical peuvent se développer plus ou moins bien, mais il est très rare qu’on doive leur attribuer un développement anormal. Aussi, le taxinomiste et le morphologiste peuvent-ils étudier les plantes du jardin sans crainte de tomber à chaque instant sur des caractères dénaturés ou faussés par la culture. Dans les rares cas de doute, l’herbier est là pour servir de contrôle et permettre la comparaison avec des espèces voisines, non cultivées au jardin. Vu le grand nombre de plantes ligneuses des flores tropicales, l’étude des pieds vivans présente, pour la systématique, un réel avantage sur celle des spécimens d’herbier. Ceux-ci ne sont forcément que de tout petits fragmens, portant, il est vrai, des fleurs et des fruits, mais chez lesquels le polymorphisme, si fréquent dans les parties végétatives, ne ressort presque jamais. Le physiologiste et l’anatomiste peuvent faire des recherches sur le développement, le jeu des fonctions et la structure intime des plantes du jardin, sans risquer d’être induits en erreur par des dégradations et des réductions dues à une vie souffreteuse et maladive, conséquence de conditions trop peu naturelles. C’est notamment pour ce genre de recherches que l’absence de véritable mousson sèche est un avantage spécial du jardin de Buitenzorg. La périodicité qui se montre dans les phases successives du cycle évolutif de la plante y est presque toujours due à des causes internes et bien rarement à l’influence directe de causes externes. C’est pour le phytophysiologiste un avantage qu’il ne trouve pas dans la zone tempérée, et rarement sous les tropiques.

On conçoit dans quelles circonstances favorables se trouvent les botanistes attachés à l’Hortus Bogoriensis et résidant à Buitenzorg pour étudier, à tous les égards, la flore des Indes néerlandaises et, en général, les manifestations de la vie végétale dans une contrée tropicale. Mais ce serait chez eux bien mal comprendre leur tâche et faire preuve d’une regrettable étroitesse d’idées que de vouloir se réserver, autant que possible, les découvertes et les travaux à poursuivre dans ce vaste et fertile champ d’études. Au contraire, il est de leur devoir d’engager sans cesse leurs confrères d’outre-mer à venir profiter de l’occasion pour étudier une foule de questions impossibles à aborder en Europe. Une large hospitalité scientifique offerte à tous, profitable à la science et digne de la grande colonie qui a l’avantage de pouvoir l’offrir, voilà la seule ligne de conduite qu’il convienne de suivre. C’est dans cet ordre d’idées que le gouvernement des Indes néerlandaises a fondé à Buitenzorg, il y a quatre ans, le laboratoire de recherches qui est à la disposition des naturalistes étrangers.

Nous voilà arrivés à la question importante : pourquoi les jardins