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interpellation dont le chef du parti allemand, M. de Plener, a pris l’initiative. L’occasion a été l’agitation renaissante en Bohême, cette espèce de levée de boucliers des jeunes Tchèques, revendiquant plus vivement que jamais l’indépendance pour leur pays, réclamant le couronnement de l’empereur comme roi de Bohême. M. de Plener a violemment mis en cause le ministère pour ses faiblesses, pour ses compromis, pour ses transactions perpétuelles avec toutes les races de la monarchie, rudoyant avec âpreté les vieux Tchèques aussi bien que les jeunes Tchèques, tous les nationalistes. Le chef des vieux Tchèques, M. Rieger, sans s’identifier avec ses jeunes émules de Prague devenus ses adversaires, les jeunes Tchèques, a cru néanmoins devoir intervenir, accusant à son tour les Allemands de la Bohême, maintenant les droits historiques de son pays. Entre tous les camps, le comte Taaffe s’est levé pour dire le mot décisif, pour trancher la question. A-t-il dit réellement le mot décisif ? Il est resté du moins fidèle à sa politique. Il a refusé d’admettre que le moment fût venu de modifier la constitution de l’empire et de faire couronner l’empereur à Prague ; il n’a pas voulu non plus paraître contester les droits de la Bohême. Pour tout dire, il a parlé en homme décidé à tranquilliser pour le moment à demi les Allemands, en laissant une espérance aux Tchèques, sans provoquer l’humeur ombrageuse des Hongrois. Il a réussi encore une fois, puisqu’il a eu la majorité. Ces récriminations et ces tactiques sont de tous les temps à Vienne. Elles ne sont malheureusement aujourd’hui qu’une démonstration nouvelle des incohérences de l’empire et l’explication des embarras de l’Autriche, obligée peut-être plus que jamais, à l’heure qu’il est, de s’observer dans sa politique extérieure, d’accepter la triple alliance telle qu’on la comprend à Berlin, de se conformer aux vues, aux calculs, aux intérêts de Berlin.

Quant à l’Italie, la troisième des coalisées de la grande ligue, elle n’en est peut-être pas, pour sa part, quoiqu’elle ne l’avoue pas, à sentir le poids d’une alliance d’ostentation, à savoir ce qu’il en coûte de figurer parmi les grands et de subir l’amitié des forts. Elle a pu être un moment flattée et satisfaite dans son orgueil de se voir recherchée, traitée familièrement à Friedrichsruhe ou à Berlin. En réalité, elle a subi plus d’un mécompte ; elle s’est exposée à aliéner pour une vaine gloire son indépendance, à compromettre ses finances par des armemens ruineux et inutiles, son commerce par des guerres économiques où elle a été entraînée. On ne lui en a pas même su peut-être beaucoup de gré ; aujourd’hui, soit par une tactique qui a pu lui être conseillée, soit de son propre mouvement, elle profite du repos que se donne la triple alliance pour s’occuper de ses affaires. Elle en est au moins aux premières démonstrations d’une politique commerciale d’apparence plus conciliante avec la France. Elle vient d’abolir les droits différentiels