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forment une série de larges cellules qui s’ouvrent sur un couloir, chacune d’elles est fermée par un rideau faisant office de porte et munie d’une haute fenêtre ; toutes ces alvéoles sont séparées l’une de l’autre par une cloison qui ne monte pas jusqu’au plafond, de sorte que chaque pensionnaire est indépendant de ses voisins, dont il peut néanmoins être entendu en cas d’alerte ou de mal subit. Tout est prévu, du reste, pour porter immédiatement secours à un vieillard qui appellerait à l’aide : un infirmier couche à l’extrémité de chaque étage des pavillons, à l’entrée même du dortoir, et il peut, à l’aide d’une sonnette, communiquer avec les sœurs chargées du service de nuit. Cette disposition, je le répète, est ingénieuse et en progrès sur ces chambrées inhumaines où les hospices sont le plus souvent réduits à entasser leurs pensionnaires ; combien cependant je préfère la chambre close, personnelle, que j’ai vue à la maison de retraite israélite de la rue Picpus. La possibilité de rester parfois seul dans son chez-soi, de s’y absorber dans le bercement des souvenirs, est le plus grand bienfait que l’on puisse offrir à ces vieux hommes et à ces vieilles femmes que la vie a surmenés. Je suis entré dans plusieurs cellules des dortoirs ; elles sont bien meublées, la literie en est presque luxueuse ; çà et là aux murailles, sur la table une photographie, un portrait, un objet que l’on conserve précieusement comme un témoin du temps passé. Nulle part je n’ai aperçu de livres. — Pour certains cerveaux, la lecture est une fatigue insupportable. — Tout est bien dans ces cellules, tout est propret, tout est confortable, on y dort dans de bons draps blancs et sous de chaudes couvertures. En visitant ces dortoirs, je me souvenais de « la chambre des treize » et de « la forêt noire » que j’ai vues il y a vingt ans à la Salpêtrière, et je pensais que les hôtes de la duchesse de Galliera ne soupçonnent pas leur bonheur.

La chapelle, dont les murs sont revêtus d’un enduit de nuance très douce, est simple dans son ordonnance et grandiose dans son aspect général. Je ne lui adresserai qu’un reproche qu’elle ne mérite guère : elle est trop jeune ; elle n’inspire pas ce recueillement involontaire que l’on ressent dans les vieilles églises auxquelles leur âge même ajoute quelque chose de solennel qui fait défaut à presque tous les édifices religieux modernes, si beaux qu’ils soient, à la Madeleine comme à Notre-Dame de Lorette, comme à Saint-Vincent-de-Paul, comme à bien d’autres. Lorsque les années auront passé sur la chapelle de la maison de Clamart, lorsqu’elles lui auront donné leur inimitable patine, lorsque le chêne des boiseries aura bruni, elle sera irréprochable et fortifiera le renom de l’architecte qui l’a construite, en ne s’inspirant que de ses propres