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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 97.djvu/660

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La mer plate, la mer couleur de ciel, s’étale
Sous le dôme béant du ciel couleur de mer,
Et l’on croit voir le marbre immense d’une dalle
Où reluirait le froid éclair des clous de fer.

Au loin, pâle et sacré comme un encens qui fume,
Le brouillard bleu s’enroule autour d’un reposoir,
Et le disque argenté qui tremble sous la brume
Monte dans l’air pieux ainsi qu’un ostensoir :

Un ostensoir aux pieds des invisibles vierges,
Et l’ange de la paix, invisible et sans bruit,
Au lustre sidéral vient allumer les cierges
Qui brûlent dans le temple énorme de la nuit.


II


Les vagues, deux à deux, roulent leurs vocalises
Comme des voix d’enfans dans le chœur des églises.

Lentement, doucement, leur calmant bercement
Mêle à l’âme des vents un cantique endormant.

Leurs baisers sur le sable ont la monotonie
D’une religieuse et longue litanie.

Voix d’enfans ! Voix du cœur ! Les souvenirs tremblans
Bougent au fond du rêve et tendent leurs bras blancs.

La mer leur parle et les appelle au fond du rêve,
Et les voilà qui vont descendre sur la grève :

Les vains efforts, les vains désirs, les vains orgueils,
Toute la vanité des espoirs ou des deuils…

Ils racontent : la mer les console ou les blâme,
Et l’homme, étant près d’elle, est plus près de son âme.

Il lit son cœur, il va comprendre, il s’avertit,
Et, devenu plus grand, il se sent plus petit.