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LE
VOYAGE DU CAPITAINE BINGER
DANS LA BOUCLE DU NIGER

Les géographes ont reconnu depuis longtemps que le Niger ou Dioli-Ba occupe parmi les fleuves un rang fort honorable par l’abondance de ses eaux, par la richesse et l’étendue de son bassin. Il n’est pas moins remarquable par la direction de son cours. Il prend sa naissance non loin de l’océan, coule longtemps du sud-ouest au nord-est, vers l’intérieur du continent, et semble vouloir se jeter dans la Méditerranée ; mais il se heurte aux sables du Sahara, et, comme pris de repentir, après beaucoup d’hésitations, il s’infléchit brusquement un peu en aval de Timbouctou, décrit une vaste courbe, coule désormais du nord-est au sud-ouest et termine un parcours de plusieurs milliers de kilomètres en se déversant au fond du golfe de Guinée. Ses deux branches forment avec le littoral un triangle double de la France en étendue, et cette vaste région, comme on l’a dit, était l’un des derniers grands blancs de la carte d’Afrique. On y plaçait des montagnes qu’aucun voyageur n’avait vues, des cours d’eau dont on ne connaissait guère que l’embouchure, des noms d’États qui n’étaient que des noms. Grâce à un officier français, M. Binger, Alsacien de naissance, capitaine d’infanterie de marine, il sera désormais possible de faire une carte sérieuse de la boucle du Niger.

Après s’être rendu du Sénégal au Niger, de Bakel à Bammako, par la route que le général Borgnis-Desbordes a ouverte, protégée par des postes fortifiés et où l’on circule aujourd’hui avec autant de sécurité qu’en France, l’intrépide explorateur est arrivé à Kong en traversant les États de Samory et de Tiéba. De là, remontant au nord-est, il a pénétré dans