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opposition ni majorité ne sont bien sûres de leur affaire ; elles se cherchent à tâtons, dans des négociations fuyantes ou dans des essais de réunions plénières, sans arriver à rien. Il y a toujours à « décider cet être, » selon le vieux mot de Frédéric II. La question est à débrouiller, et c’est ce qui fait qu’en dépit des apparences d’un état que les élections dernières sont censées avoir fixé pour quatre ans, tout reste à la merci des incidens, de l’imprévu, des impressions soudaines qui se succèdent au hasard de discussions décousues.

C’était déjà la situation dès les premières réunions de ce parlement nouveau sorti du scrutin de l’automne passé. C’est encore la situation telle qu’elle est apparue il y a quelques jours à peine, à l’ouverture de la session, de la première session régulière d’une législature nouvelle, où il faudra pourtant bien se décider à aborder les affaires sérieuses du pays. Ce qu’il y a de sûr, c’est que si la majorité républicaine se cherche, comme on le dit, elle n’est pas arrivée à se trouver, ou du moins si elle semble se reconstituer par instans, c’est pour se retrouver avec ses passions, ses préjugés et ses ressentimens, avec ce mélange d’impatiences violentes et de fatigue qui paraît être le trait le plus caractéristique de la chambre nouvelle. Ce qu’il y a de plus évident encore, c’est que cette session où elle entre, où elle prétend régner sans se posséder elle-même, n’a pas bien débuté. Elle a commencé d’une manière assez médiocre. Dès sa première séance, la chambre a failli s’arrêter, épuisée de langueur, impuissante, faute du nombre légal de votans pour la formation de son bureau, pour la réélection de M. Floquet, qui n’est pas, cette fois, un président bien triomphant. A peine ouverte, elle a été sur le point de se heurter contre une interpellation au moins inopportune, si elle n’était pas des plus dangereuses, sur de prétendus projets de voyage de M. le président de la république à Bruxelles ou à Metz. Elle n’avait pas échappé à ce péril qu’elle tombait dans le piège d’une scène de violence dont les héros, si héros il y a, ont été quelques députés boulangistes et un député douteux de Paris, M. Joffrin. Certainement il y a eu de l’arrogance et même un peu de ridicule dans cette scène tumultueuse où trois députés ont attiré sur eux la peine d’une exclusion temporaire du Palais-Bourbon, pour avoir voulu empêcher M. Joffrin de parler. Ils n’avaient pas le droit de suspendre pour leur bon plaisir l’action parlementaire. M. Joffrin a été validé, il en a été décidé ainsi ; la chambre ne pouvait faire autrement que de maintenir sa décision. C’est évident ; mais enfin, s’il faut tout dire, on n’aurait pas donné une apparence de prétexte à ces violences tapageuses si on ne s’était pas obstiné, par un caprice d’omnipotence, à sanctionner quand même une élection qui n’était pas réellement une élection. On ne remédierait à rien aujourd’hui par des aggravations de règlement contre les scènes scandaleuses qui peuvent se produire, en menaçant, comme on le propose, d’exclure un député trop bruyant pendant une