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vivement à l’égard du dernier président du conseil, M. Sagasta, qu’il n’a cessé de soutenir depuis deux ans dans un sentiment de conciliation, mais qu’il accuse d’avoir tout compromis par sa politique de concession et de division. La conclusion de ce langage aurait dû être, à ce qu’il semble, le rappel des conservateurs au pouvoir. La reine, sans avoir de parti pris contre les conservateurs, qu’elle est prête à rappeler aux affaires si leur avènement est nécessaire, n’est point allée jusque-là. Elle a demandé à M. Sagasta de s’effacer pour le moment et elle n’a cru pouvoir mieux faire que de confier la mission de former un cabinet au président du Congrès, M. Alonso Martinez, qui est lui-même un libéral, un des plus modérés parmi les libéraux. Malheureusement, M. Alonso Martinez ne pouvait que reprendre avec moins d’autorité, dans des conditions plus affaiblies, les négociations déjà tentées par M. Sagasta. Il s’est mis à l’œuvre avec bonne volonté. Il a voulu réunir les libéraux des diverses nuances ; il a essayé de faire la part des protectionnistes, des partisans des réformes militaires, des partisans des économies. Il a été bientôt clair qu’il ne pouvait réussir, que le cabinet qu’il formerait ne serait, dans tous les cas, qu’un pouvoir de transition. Il a renoncé à une œuvre qui lui échappait à mesure qu’il croyait l’avoir achevée, et dès lors la reine en est tout simplement revenue à charger encore une fois M. Sagasta de reconstituer son ministère comme il l’entendrait. C’est ce qui est arrivé !

Tout a donc fini, au moins pour le moment, par un ministère dont M. Sagasta reste plus que jamais le chef. Le président du conseil, jusqu’ici invariable, de la régence, n’a pas essayé cette fois de réunir tous les dissidens, de faire l’alliance des libéraux au pouvoir. Il a formé son cabinet en gardant quelques-uns de ses anciens collègues, le marquis de La Vega y Armijo, M. Capdepon, M. Becerra, et en appelant au conseil quelques autres hommes qui ne sont pas tous nouveaux, M. Puigcerver, le général Bermudez-Reina, le duc de Veragua, M. Eguilior, l’ancien président de la commission du budget. Quant à la politique, elle est la même ; M. Sagasta se propose toujours d’obtenir du parlement le vote du suffrage universel et le vote du budget, deux mesures qui, dans sa pensée, sont le préliminaire de la dissolution du congrès et des élections. Il se peut qu’à la faveur d’un certain apaisement produit dans les esprits par la maladie du jeune roi, M. Sagasta finisse par faire accepter ses projets. Il semble aujourd’hui près du succès. Le chef du cabinet espagnol ne reste pas moins dans une situation aussi précaire que délicate. Il a contre lui les républicains, fort excités depuis quelque temps par les affaires portugaises et par les événemens du Brésil. Il a contre lui les dissidens qu’il n’a pas pu rallier. Il a devant lui les conservateurs qui, seuls en ce moment, pourraient revenir au pouvoir. La question ne laisse pas d’être compliquée ; elle est