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photographies qui traduisent, beaucoup mieux que les planches des Musées d’Athènes, le caractère des originaux ; elle y a joint une grande aquarelle de M. Gilliéron, où d’importans morceaux de sculpture polychromée sont fidèlement rendus avec leurs tons éclatans. C’est pour nous un secours inattendu, qui nous permet d’invoquer au besoin les souvenirs personnels de nos lecteurs.

L’école attique, à laquelle était réservée une si brillante fortune, a eu des débuts fort modestes. Elle ne joue aucun rôle dans l’histoire des origines de l’art. Tandis que les écoles de Chio et de Samos revendiquaient, pour leurs maîtres primitifs, l’honneur d’avoir les premiers travaillé le marbre et inventé la fonte en forme, les Athéniens se contentaient de dire que leurs plus anciens sculpteurs étaient élèves de Dédale. Nous savons aujourd’hui ce qu’il faut penser de cette prétention. En accaparant au profit d’Athènes la légende du vieux maître crétois, le patriotisme local donnait à l’école attique le prestige d’origines très vénérables et la faisait naître en dehors de toute influence étrangère. Les découvertes de l’Acropole nous montrent au contraire une école très composite, qui s’est formée sous l’action des artistes de la Grèce orientale et des îles, et qui leur doit une partie de ses plus précieuses qualités. Nous pouvons même remonter au-delà de cette période d’initiation et saisir sur le vif les premiers essais de l’art dans l’Athènes du vie siècle siècle.

Comme les sculpteurs archaïques de la Béotie, de la Sicile et du Péloponèse, ceux de l’Attique ont travaillé d’abord une matière moins rebelle et moins noble que le marbre. Les fouilles de 1888, en mettant au jour toute une série de sculptures en pierre calcaire, le prouvent formellement. Il est facile de comprendre la raison de cette préférence. Le tuf blanchâtre du Pirée se prêtait mieux que le marbre du Pentélique aux efforts d’artistes encore inhabiles, peu maîtres de leur ciseau, habitués d’ailleurs, par le travail du bois, à procéder par larges plans, sans serrer la forme de très près. Cette pierre poreuse est-elle la pierre appelée πελλάτας (pellatas), dans laquelle, au dire de Clément d’Alexandrie, un ancien sculpteur attique, Simmias, avait taillé une statue de Dionysos ? Il est permis de le croire. Ce qui est certain, c’est que les sculptures en tuf accusent, par le style et par la technique, une date fort reculée.

Les nombreux fragmens retrouvés appartiennent à de grandes œuvres décoratives, exécutées en très fort relief, et destinées à figurer dans des tympans de frontons. Il a fallu de longs mois de recherches pour rapprocher les morceaux épars ; grâce à ce travail de patience, on a pu restituer trois des groupes