Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 97.djvu/851

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sans un grand luxe de couleurs vives. Quand le marbre remplace le tuf dans l’architecture, la polychromie tend à décroître. Il semble que les Grecs, tout en restant fidèles à une vieille tradition, aient éprouvé des scrupules devant le marbre, et se soient préoccupés surtout d’en faire valoir, par les ors et les couleurs, la blancheur éclatante et chaude. Le même fait se produit quand les sculpteurs abandonnent le tuf pour travailler le marbre. Les sculptures archaïques de l’Acropole vont nous montrer un emploi plus discret de la polychromie, lorsque le marbre de Paros se substitue à la pierre du Pirée sur laquelle s’était exercé le ciseau des premiers artistes de l’Attique.


IV

Les sculptures en tuf paraissent appartenir encore à la première moitié du VIe siècle. Quelques années plus tard, sous le gouvernement de Pisistrate, l’art va prendre un rapide essor. Il y a là, dans l’histoire d’Athènes, une période très brillante, que les découvertes archéologiques nous révèlent chaque jour. L’activité artistique et industrielle se développe avec une énergie singulière. La ville elle-même se transforme et devient bien différente de la petite cité aristocratique étroitement serrée contre le flanc sud de l’Acropole. Tandis que l’ancien quartier du Kydatltenaion, habité par les vieilles familles, se dépeuple graduellement, une population nouvelle se masse dans les faubourgs autour de l’Agora ; ce sont les marchands, les ouvriers d’art, les potiers du Céramique, dont l’industrie va bientôt supplanter sur les marchés du monde ancien celle de leurs rivaux de Chalcis et de Corinthe. L’exploitation des mines du Laurion amène un accroissement considérable de la richesse publique, en même temps que l’Attique cesse d’être un petit état purement continental pour devenir une puissance maritime. Grâce à l’énergique impulsion que Pisistrate et ses fils donnent aux travaux d’art, Athènes s’embellit rapidement. Leurs architectes construisent le temple d’Apollon Pythien, agrandissent les sanctuaires de l’Acropole, décorent de portiques la fontaine Callirrhoé et jettent les fondations de l’Olympieion.

Au commencement du Ve siècle, Athènes était une ville riche, peuplée d’oeuvres d’art, où tout témoignait de la prospérité qu’avait provoquée le gouvernement des Pisistratides. À mesure qu’on étudie les monumens, on s’aperçoit combien elle différait de l’Athènes de Périclès. La vie extérieure y revêtait des formes encore à demi orientales empruntées en grande partie à la Grèce asiatique. Jetez les yeux sur les peintures de vases de cette époque,