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plus haute antiquité Athéna est représentée avec l’armure et la lance.

Nous admettons, pour notre part, une explication plus modeste, et nous voyons dans ces statues votives de simples mortelles, soit des prêtresses de la déesse Poliade, soit même des femmes appartenant aux riches familles d’Athènes et professant pour la protectrice de la cité un culte particulier[1]. Il n’y a rien là qui soit étranger aux habitudes grecques. Ainsi, à Argos, on voyait devant l’entrée de l’Héraion les statues des femmes qui avaient exercé un sacerdoce ; à Athènes, on citait parmi les œuvres célèbres d’un maître du ve siècle siècle, Démétrios, la statue de la prêtresse Lysimaché ; plus tard encore, Képhisodote, Timarchos, Kaïkosthènes signaient des statues votives d’errhéphores ou de prêtresses consacrées à l’Acropole. Pourquoi un tel usage n’aurait-il pas été en vigueur avant les guerres médiques ? Et les anciens sanctuaires de l’île de Chypre, avec leurs avenues bordées de statues de prêtres et d’orantes, ne nous donnent-ils pas l’idée de ce que pouvait être le vieux temple d’Athéna[2] ?

Voici d’ailleurs un fait qui confirme notre manière de voir. Dans toutes les statues découvertes sur l’Acropole, l’avant-bras droit était toujours rapporté ; il s’emmanchait, à l’aide d’une soudure de ciment de chaux, dans un trou ménagé à la hauteur du coude. Le sculpteur exécutait donc les statues à l’avance, sans se préoccuper de leur destination ; travaillant d’après une sorte de type canonique, il pouvait en préparer tout un assortiment et le soumettre au choix de l’acheteur. Une cliente avait-elle jeté son dévolu sur une de ces sculptures, rien n’était plus facile que de se conformer à ses désirs, en enchâssant dans l’ouverture toute prête un bras muni d’un attribut. La statue cessait d’être impersonnelle. Elle devenait l’image de celle qui l’offrait.

Il ne faut donc pas s’attendre à trouver dans ces statues les traits individuels qui caractérisent un portrait. Rien n’est plus éloigné de la conception plastique dont elles relèvent. On sait d’ailleurs qu’à part de rares exceptions, le genre du portrait, tel que le conçoit l’art moderne, ne se développe pas en Grèce avant l’époque de Lysippe ; c’est la sculpture hellénistique qui introduit le réalisme dans l’art, et s’attache à reproduire ce qu’on a justement appelé les

  1. Il est vrai qu’une de ces statues est dédiée à Athéna par un homme, Euthydikos. Mais ce personnage a pu consacrer la statue d’une femme de sa famille, de sa fille par exemple. Voir les remarques de M. Winter, dans le Jahrbuch des arch. Instituts, II, 1887, p. 220.
  2. Voir les remarques de M. G. Perrot, dans le Journal des savans, mars 1887, p. 132.