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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 97.djvu/873

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rapport aux sociétés et à leurs phénomènes, leur histoire et leur philosophie. Elles étaient restées ce que le Consulat avait fait d’elles, des écoles pratiques de jurisprudence, chargées de fournir à la société des hommes de loi, et non de rechercher les lois des sociétés. Elles s’acquittaient admirablement de cette tâche, formant d’excellens juristes, par des méthodes d’une rigueur et d’une précision sans égales, mais se confinant dans une tâche trop étroite, et finissant par se croire investies, comme la loi elle-même, d’une sorte d’immutabilité. Leur enseignement, limité à l’origine au code civil, au code pénal et à la procédure, avec quelques élémens de droit romain, s’était agrandi peu à peu par l’addition du code de commerce, du droit administratif, et, en certains endroits et à certaines époques, du droit constitutionnel. Mais l’esprit était demeuré le même ; et, avec l’esprit, les méthodes, l’allure et les résultats de l’enseignement.

Un instant, sous le Gouvernement de juillet, M. de Salvandy s’était préparé à les remanier de fond en comble. Il voulait en étendre le champ jusqu’aux limites mêmes des sciences sociales, y introduire tout ce qui peut tenir sous les termes génériques de loi et de droit, entendus au sens le plus large, le droit naturel aussi bien que la loi écrite, le droit public dans toutes ses branches aussi bien que le droit privé, les lois économiques aussi bien que les règlemens administratifs, l’histoire et la philosophie des institutions aussi bien que l’application des règles qui leur sont propres. Ainsi élargies, ainsi pourvues, les facultés de droit à côté des juristes, eussent formé des administrateurs, des politiques, des diplomates et des savans. La méthode historique et critique et la méthode interprétative et géométrique y eussent régné de pair, corrigeant l’une par l’autre ce que l’une et l’autre a d’exclusif et de dangereux quand elle est appliquée seule à l’éducation des esprits. Une révolution dans la politique arrêta net cette révolution dans les études, au moment même où elle paraissait sur le point d’aboutir.

Depuis lors on n’a pas repris dans son ensemble le plan de M. de Salvandy, qui reste toujours un idéal ; mais divers fragmens en ont été réalisés successivement, et, pour qui les a connues il y a vingt ans seulement, il est incontestable qu’un grand changement s’est accompli dans le moral des facultés de droit. Un point à noter tout d’abord, c’est la diminution croissante du nombre des professeurs adonnés en même temps au barreau. Les facultés y ont gagné de n’être plus considérées comme l’antichambre du prétoire, mais comme des institutions ayant leur fin en elles-mêmes, et, sans rien négliger de leurs devoirs professionnels, elles ont pris une