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conscience chaque jour plus nette et plus agissante de leurs devoirs envers la science. Nous en avons depuis quelques années des signes indubitables. En premier lieu, les œuvres des maîtres. Autrefois, c’étaient presque toujours des traités sur les codes ou des manuels à l’usage des étudians. Ce sont aujourd’hui le plus souvent des œuvres savantes dont l’objet n’est pas limité aux matières mêmes de l’enseignement, mais s’étend au domaine entier des sciences juridiques et sociales. En second lieu, le caractère et la méthode de certains enseignemens. Il fut un temps où le droit romain par exemple n’était tenu que pour un instrument d’éducation, pour une discipline et une gymnastique, pour un moyen de former les esprits à l’art d’appliquer à des espèces particulières des règles abstraites et générales. Nous avons aujourd’hui dans les facultés de droit une très savante école de romanistes qui l’envisage d’une toute autre façon. Elle y voit moins un monument de logique juridique, qu’un produit de l’histoire ; elle s’applique moins à en démontrer la structure qu’à en expliquer la vie ; elle le traite en lui-même, historiquement, dans son évolution, comme ailleurs on étudie en elle-même l’évolution des langues et des littératures. Un dernier signe enfin, c’est l’introduction dans les facultés de droit d’enseignemens nouveaux auxquels elles étaient longtemps demeurées volontairement étrangères : l’économie politique, l’histoire du droit, le droit constitutionnel, le droit international privé et public, la législation financière, la législation coloniale et les législations comparées. Il y a là, parfois à trop petite dose, des fermens qui ne demeureront pas inactifs, mais qui seront, qui sont déjà, pour les facultés de droit, des principes de renouvellement et de vie.

Dans les autres facultés, un seul grade, la licence ès lettres, appelait des modifications. C’était, par définition, comme tous les grades supérieure des facultés, une épreuve à la fois savante et professionnelle ; mais elle était organisée de façon à ne prouver assez ni la science, ni les connaissances professionnelles. Tout ce qu’on y demandait, dissertation française, dissertation latine, vers latins, thème grec, explications d’auteurs classiques, on pouvait le savoir au sortir du collège, sans en avoir rien pris à la faculté même. Aussi n’était-il pas rare d’y voir réussir d’emblée de bons rhétoriciens. En outre, comme elle conférait la licentia docendi pour toutes les classes indifféremment, et qu’elle ne contenait rien de l’histoire, rien de la philosophie, rien des langues et des littératures étrangères, et fort peu de la grammaire et de la philologie, elle n’offrait quelques garanties de savoir professionnel que pour les classes de lettres. Cependant apte à tout faire, de par son diplôme, le licencié