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au-delà de la simple préparation aux examens, considérer le temps où l’étudiant affranchi de la poursuite des titres professionnels voudra travailler par lui et par lui seul. Il doit se former entre les maîtres et les élèves une association qui ne se rompe pas par l’obtention des grades, mais qui se continue durant toute la carrière. Chaque faculté n’eût-elle chaque année que quatre ou cinq élèves de cet ordre, le résultat serait déjà très heureux. » Quelques années auparavant, il avait dit à Grenoble : « Les facultés ont pour mission principale le progrès de la science. L’enseignement régulier que donnent leurs professeurs expose l’état actuel de nos connaissances ; ils ont le devoir de les augmenter. Ils ne peuvent être satisfaits que s’ils comptent, non-seulement en France, mais hors de France, dans cette élite d’hommes distingués qui, par la force de la pensée, le nombre et la valeur des travaux, représentent le progrès. »

Ainsi, dans cette large conception de l’enseignement supérieur, la science, la science une comme l’esprit humain, multiple comme le monde, devait être l’âme commune de toutes les facultés et l’anneau terminal où, de progrès en progrès, elles viendraient se relier et s’unir.


II

Telle fut la doctrine et telle fut la méthode[1]. La doctrine dérivait de ce qui, par ce temps de science, est en tout pays civilisé l’idéal de l’enseignement supérieur, grouper la jeunesse en de larges foyers d’études, de science et d’esprit national, et l’y élever librement dans le culte de la vérité et de la patrie. La méthode, au contraire, s’inspirait des besoins propres de la France, de ses mœurs et des conditions spéciales de temps et de lieu qui lui étaient particulières, et c’est par là que, d’une conception générale qui n’est personnelle à aucune nation, elle devait faire sortir une œuvre éminemment française. Là est le trait essentiel de l’entreprise. Cette entreprise, on l’a parfois présentée, avec plus d’ignorance encore que d’injustice, comme une germanisation artificielle de nos facultés. Il ne vaut pas la peine de relever ce reproche. Tout ce que j’ai dit déjà, tout ce qui me reste à dire montre surabondamment combien il est vain. Je ferai remarquer seulement qu’il n’est au pouvoir de personne d’imprimer à volonté une

  1. Voir les Notes et Discours d’Albert Dumont, le troisième volume de l’ouvrage de M. Gréard, intitulé : Éducation et Instruction, les Questions d’enseignement national et les Études et Étudians de M. Lavisse.