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de classes dans l’enseignement secondaire, la philosophie, les lettres, la grammaire, l’histoire, les langues vivantes, les mathématiques, les sciences physiques et les sciences naturelles. Jusqu’alors, l’École normale y avait seule préparé. On demanda aux facultés d’y préparer aussi. Rien n’était plus conforme à leur double destination savante et professionnelle. On eut alors dans les facultés des sciences et des lettres, dans celles du moins dont le personnel était assez nombreux, deux ordres superposés d’études et de conférences.

Mais l’agrégation n’était encore qu’un acheminement vers un but plus élevé. La tâche professionnelle des facultés n’est pas la seule. C’est beaucoup déjà qu’elles forment pour l’enseignement secondaire des maîtres instruits ; mais là n’est pas la limite de leur devoir. Au-dessus, elles ont à contribuer au progrès de la science, et cela de deux façons, d’abord par les travaux et les découvertes des maîtres, puis par l’initiation d’une élite d’élèves aux méthodes scientifiques. De ces deux contributions, elles avaient, à toutes les époques, largement payé la première ; très rarement, dans le passé, elles avaient fourni la seconde. On leur demanda d’y voir désormais un devoir essentiel. C’était d’autant plus nécessaire que trop souvent jusqu’alors, les jeunes professeurs se considéraient comme en règle avec la science quand ils avaient franchi les défilés de l’agrégation. Combien nous en avons connu, je dis des meilleurs et des mieux doués, qui se sont stérilisés vers la vingt-cinquième année uniquement par ignorance des bonnes méthodes de travail, ou par dédain des œuvres qui sont utiles sans être éclatantes ! Dans les lettres surtout, notre culture trop exclusivement esthétique faisait des délicats, des difficiles ; mais elle énervait par avance un effort qu’on sentait ne pouvoir aboutir à des œuvres parfaites. C’était incontestablement une de nos infériorités vis-à-vis de l’étranger. En aucun temps, les hommes de talent, ni même les hommes de génie n’ont fait défaut à notre enseignement supérieur ; mais il ne suffit pas de trouver le filon de métal précieux ; il faut encore l’exploiter, le monnayer, et cela n’est possible qu’avec des équipes nombreuses de travailleurs, sachant manier l’outil, et ne dédaignant pas les besognes modestes, mais utiles.

Là était la préoccupation dominante d’Albert Dumont. Il y revenait sans cesse, dans ses conversations, dans ses instructions, dans ses discours. « Tout en enseignant les connaissances nécessaires pour la licence et l’agrégation, écrivait-il en 1883, les facultés doivent choisir des jeunes hommes d’avenir qu’elles prépareront et armeront de telle sorte qu’ils deviennent des maîtres. Il faut voir