Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 97.djvu/891

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tradition et un esprit commun. Or ceci est beaucoup moins l’œuvre de la législation que celle du temps. En pareille matière, surtout lorsqu’il s’agit non pas de créer de toutes pièces, sur une sorte de table rase, des institutions nouvelles, mais de transformer des institutions déjà vieilles, la loi suit les mœurs plutôt qu’elle ne les suscite, et ce serait une imprudence peut-être irréparable que de vouloir donner prématurément une forme légale à une réalité encore latente et indécise. Le désir des facultés est manifeste ; leur bonne volonté n’est pas douteuse. Mais les mœurs sans lesquelles la vie universitaire serait une fiction et une illusion, sont-elles assez formées pour appeler dès aujourd’hui la sanction de la loi ? Le jour où l’état constituera des universités, il se dessaisira pour elles d’une partie de ses attributions… Doit-il le faire avant qu’une expérience décisive l’ait pleinement justifié ? Et n’est-ce pas pour les futures universités une meilleure condition de succès et un gage plus assuré de durée que de venir, à leur heure, appelées et commandées par la force des faits, au lieu de sortir subitement du sein d’une loi abstraite ? »

On ne fit donc pas les universités, mais on fit, dans chaque centre académique, un groupement organique des facultés. On les rapprocha ; on les solidarisa ; on leur remit le soin de leurs intérêts généraux ; on les appela à vivre, en outre de leur vie propre, d’une vie commune à toutes ; et, pour organe de cette vie, au-dessus de leurs conseils particuliers, on leur donna un conseil général, sorte de sénat universitaire, procédant presque tout entier de l’élection, composé des doyens et des représentans de chaque faculté et présidé par le recteur de l’Académie, représentant de l’État et gardien de la loi.

Les attributions de ce conseil sont d’ordre scolaire et scientifique, d’ordre administratif et financier, et d’ordre disciplinaire. Le rapporteur du décret de 1885, au Conseil supérieur de l’instruction publique, M. Couat, les caractérisait ainsi : « L’autonomie des facultés isolées ne présenterait que peu d’avantages et pourrait même être un danger, si elle n’avait pour conséquence et pour correctif le contrôle, dans de sages limites, des facultés voisines, et, entre toutes les facultés d’un même ressort, une juste réciprocité de services et de sacrifices. Pour créer entre les facultés ces relations indispensables à l’autorité des professeurs, devenus par là même membres d’une association puissante et respectée, profitable aux étudians compris tous ensemble sous une seule juridiction, utile au progrès de la science, qui ne peut que gagner à cet échange continu de rapports, de devoirs et de travaux entre ceux qui enseignent, il fallait faire un partage très délicat