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ni vendre, ni utiliser d’une manière quelconque ? Ce sont des lois de sa nature qui font que, dans ces deux cas, l’eau soit précieuse et le blé sans valeur pour l’homme.


II

Dans cette partie de la science qui s’occupe de la production, le fond même de l’économie politique ne diffère pas sensiblement dans les deux camps. Plusieurs membres de la Société de politique sociale, et des plus distingués, l’ont expressément reconnu. Ils ne peuvent pas se passer des doctrines d’Adam Smith ; ils doivent se borner à leur mettre un nouveau vêtement. Ils continuent donc de compter trois agens producteurs, ou comme on dit aussi, trois facteurs de la production : la nature, le travail, le capital. Certains économistes de l’un et de l’autre camp ont voulu simplifier ; les uns ont tenté de supprimer le capital, — pas en fait, en nom seulement, — d’autres ont effacé en outre la nature et n’ont maintenu que le travail. Toutefois, la théorie qui ramène tout au travail ne s’est maintenue que chez les socialistes, qui avaient des raisons pour cela. Les économistes ont reconnu que les autres facteurs existent et ont une action manifeste, qu’il n’est donc pas possible de les dissimuler derrière le travail. Examinons donc séparément chaque facteur de la production, en faisant remarquer que toutes les écoles ont contribué plus ou moins au progrès des doctrines, l’école classique ne s’étant pas crue dispensée de travailler à l’avancement de la science.

C’est par la nature que nous commencerons. L’homme ne peut pas se passer de la collaboration de la nature, et celle-ci l’accorde tantôt gratuitement, tantôt d’une manière onéreuse. Il y a gratuité quand on n’a fait aucun effort pour s’emparer des forces de la nature ; dès qu’il y a effort, il ne peut plus être question de gratuité ; dans certains cas, pour que la nature nous donne tout ce qu’elle peut, nous sommes obligés d’approprier l’instrument dont elle se sert. Il en a été ainsi de la terre. Seulement, appropriée ou non, la nature, en collaborant aux œuvres de l’homme, y met du sien, de sorte qu’en distribuant la valeur du produit, et après avoir fait la part du capital et du travail, il y a un reste qui serait la part de la nature, si dame Nature voulait passer à la caisse. En attendant, c’est l’homme qui la contraint à collaborer, — ou son ayant-droit, — qui reçoit cette part. Et comme la nature appropriée se présente le plus souvent sous la forme de terres que le propriétaire loue pour un