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Clémenceau au punch des étudians. C’est toujours l’antique cri de ralliement ; s’il est quelque peu démodé dans le pays, il ne l’est pas à la chambre. Les plus clairvoyans des opportunistes voudraient bien en finir avec ces vieilleries ; mais, après s’être complu à faire trembler l’électeur devant le spectre noir, il leur est malaisé de ne pas simuler la terreur, chaque fois qu’on l’agite devant eux. Ils sont captifs de leur passé.

Puis, c’est avec la concentration républicaine, c’est la main dans la main des radicaux, qu’ils ont triomphé du boulangisme, comme du 16 mai. L’union qui leur a valu la victoire, vont-ils la rompre au lendemain de la bataille ? Ils ne songent point que, s’ils ont vaincu avec la concentration, ils ont failli périr par elle. Ils ne voient point que, avant de les aider à terrasser le boulangisme, elle avait créé le boulangisme. Ils oublient que, s’ils l’ont emporté en septembre, ils le doivent moins à leur marche en rangs serrés qu’à la suite de l’ennemi, et que, une autre fois, ils peuvent rencontrer un adversaire moins prompt à leur céder le terrain.

La concentration républicaine, c’est fatalement la continuation du passé ; partant, c’est la constitution remise en question à chaque élection, et la république jouée tous les quatre ans sur un coup de dés. La concentration, c’est, à brève échéance, la résurrection du boulangisme sous même enseigne ou sous une autre raison sociale. Politique de concentration, ou politique d’apaisement, il faut choisir. Dire qu’on fera de l’apaisement avec le concours des radicaux, c’est d’une simplicité par trop innocente, ou d’une duplicité par trop transparente. Les bergers ne demandent pas aux loups d’aider les chiens à garder le troupeau. Concentration est synonyme de guerre aux conservateurs, de complaisance aux révolutionnaires. Une politique d’apaisement ne peut être qu’une politique de transaction, et pour pacifier, il faut des hommes de paix. Il est de ces pacifiques sur les bancs de la majorité ; leurs noms sont connus, le pays serait heureux demies voir au pouvoir, afin de respirer un peu. Mais que pèse le repos du pays dans les plateaux de la politique ? Apaisement et concentration, tel est, qu’elle le veuille ou non, le dilemme posé à la nouvelle chambre. Qu’elle persiste dans la concentration, qu’elle retombe sous le joug radical, il ne lui faudra pas quatre ans pour être aussi discréditée que sa devancière.


V

Qui devrait gouverner ?

Qui, aux dernières élections, le pays a-t-il désigné ? Si le vote populaire était un instrument de physique, donnant la