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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 98.djvu/179

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jours d’insurrection. Sous le régime de la charte de 1815 la chose est, non pas plus nette, mais plus stricte, puisque la constitution, ne reconnaissant pour électeur qu’un nombre limité de citoyens, fait bien formellement de L’électorat une fonction, loin qu’elle le reconnaisse comme un droit de l’homme, ou, qu’elle le subisse comme une force.

Donc, nier la souveraineté du peuple ! et maintenir soigneusement cette négation, dans la charte, voilà le premier point ; mais, admît-on la souveraineté du peuple, ne pas permettre qu’elle s’exerce par plébiscite, c’est-à-dire capricieusement, aventureusement et par une sorte d’explosion inattendue, comme si l’on faisait du tremblement de terre de Lisbonne un article constitutionnel, voilà le second.

C’est pour cela qu’il ne faut pas de renouvellement intégral de la chambre éligible. Le renouvellement intégral, de quelque euphémisme qu’il vous plaise de l’appeler, c’est le plébiscite. Dans un pays où, une seule chambre gouverne, le renouvellement intégral de cette chambre, c’est hier tout, aujourd’hui rien, ce soir tout, de nouveau. Voilà, de bien rudes secousses. Dans un pays où le parlement ne gouverne pas et où il y a deux chambres, c’est encore trop d’instabilité, trop d’inconnu, trop d’anxiété pendant toute l’année qui précède les élections et toute celle qui les suit. A la vérité, on sait quand les élections doivent avoir lieu. La belle assurance ! On sait quand aura lieu l’éruption. On sait quand se déclarera la crise. Mais à prévoir l’état violent on y est déjà. « Le renouvellement intégral, c’est la périodicité de la tempête. » — C’est surtout le plébiscite reconnu par la constitution. La constitution ne doit pas reconnaître le plébiscite même indirect ; en d’autres termes l’Etat ne doit pas admettre qu’il soit lui-même mis en question. Il l’est quand on dit au peuple, ou seulement quand on semble lui dire : « Ceux qui font la loi n’existent plus. Désignez-en d’autres. » Le peuple traduit par : « Il n’y a plus rien ; et tout est à faire ; et c’est moi qui fais tout. » Vous donnez à la souveraineté je ne sais quelle consécration formidable ; à l’exercice de la souveraineté, je ne sais quelle forme solennelle et quel appareil terrifiant. Vous exaltez la souveraineté ; et elle n’existe pas ; et elle existerait, qu’il ne faudrait pas trop la reconnaître. Les députés sortis de ces grandes assises du peuple croient toujours être au commencement du monde et avoir tout à organiser. Et en vérité leur illusion est naturelle. C’est le « contrat social » qui vient de se renouveler. Chaque renouvellement intégral, c’est la prétendue origine des temps qui se reproduit, c’est l’état de société aboli pour permettre à l’état de société de renaître