brusquement. C’est le « gouvernement direct » accidentel, c’est-à-dire quelque chose de beaucoup plus mauvais que le, gouvernement direct ; car le gouvernement direct, s’il était possible de l’organiser dans une grande nation, aurait encore, peut-être, à s’exercer constamment, une certaine suite. Mais le plébiscite, c’est le gouvernement direct appelé un jour, subitement, et par hasard, à s’exercer. C’est la plus aventureuse des aventures. Il ne peut être, par définition, que l’expression d’un caprice. Il ressemble à un homme qui pointerait au hasard une date dans son calendrier et se dirait : « L’humeur dont je serai ce jour-là en me levant, j’en ferai mon principe de conduite, ma loi, ma morale, ma religion pour toute ma vie, ou pour dix ans. » Et, si cet homme était d’une merveilleuse égalité d’humeur il ne ferait pas là une folie, étant sûr à l’avance que son humeur de tel jour à venir serait son humeur habituelle, mais il est rare qu’on soit si constant, et encore mieux vaut-il composer sa loi morale d’une série de consultations sur soi-même finissant par donner une moyenne qui a des chances d’être raisonnable.
Il ne faut donc pas de plébiscite, d’abord, pour remonter à nos principes, parce qu’un plébiscite suppose la souveraineté du peuple, et qu’il n’y a pas plus de souveraineté (populaire que d’autre souveraineté. Le peuple n’est pas la souveraineté, il est la force. Se gouverner autrement que par le pur emploi et exercice de la force, il est probable que c’est le désir, l’effort et l’invention de la civilisation tout entière. Substituer la raison à la force, c’est le travail de l’humanité se dégageant de la barbarie. Le peuple n’a pas plus la souveraineté que ne l’a le parlement ou le roi. Il est fonction dans l’état, simplement, comme le roi, le parlement ou la magistrature. — C’est pour cela qu’il ne vote pas quand il veut, toutes les fois qu’il veut, selon son caprice, comme fait une insurrection, qui, elle, est la force pure et simple. Il vote quand la constitution lui dit de voter ; en d’autres termes, il y a des momens où la constitution lui donne une fonction, le fait fonctionnaire pour un temps, l’institue fonctionnaire-électeur pour le service de l’État. — C’est pour cela qu’il ne vote pas tout entier, nulle part, les enfans, les adolescens et les femmes étant partout exclus du vote ; ce qui veut dire que c’est bien la constitution qui choisit, qui nomme dans le peuple un certain nombre d’hommes pour être électeurs, en raison non de leur existence, car d’autres existent, non d’un droit, car pourquoi l’auraient-ils à l’exclusion des autres ? mais en raison d’une aptitude qu’elle leur suppose. Même en pays de prétendu « suffrage universel, » la souveraineté du peuple n’est donc pas reconnue par l’État, et n’existe, en pratique et réellement, que les