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du Luxembourg, un sénateur qui s’est fait honneur par la fidélité de ses idées libérales, M. Trarieux, le vrai moyen de réparer le mal, c’est de faire de la bonne politique, de répondre au vœu d’apaisement et d’ordre qui est dans le pays.

Ce ne sont point les spectacles curieux ni même les affaires sérieuses qui manquent en Europe. Ils ne manquent ni en France, ni dans les autres pays qui n’ont pas moins que nous leurs embarras et leurs crises. Les élections qui viennent de se faire en Allemagne ont certes tout le caractère d’un événement des plus singuliers, des plus instructifs, et par les circonstances dans lesquelles elles se sont accomplies et par l’intervention de l’empereur Guillaume II, et par le résultat de ce récent scrutin du 20 février. On pouvait bien voir depuis quelques jours que l’opinion était ébranlée ou partagée, que la population de certaines régions se laissait aller à des courans dangereux ; on distinguait dans tous les cas, de toutes parts, une incertitude qui ressemblait à de l’anxiété. On ne s’attendait pas à ce qui est sorti du scrutin, et le résultat, tel qu’il apparaît aujourd’hui, a d’autant plus de gravité que les élections avaient eu pour préliminaires les rescrits impériaux destinés à attester la sollicitude du souverain pour les réformes sociales, à rallier, ne fût-ce qu’en partie, les populations ouvrières.

En réalité, le vote du 20 février a, dès ce moment, une signification des plus caractérisées, et même assez embarrassante pour le gouvernement. Il y a un premier fait sur lequel on ne peut se méprendre. L’Alliance connue sous le nom de a cartel, » et formée des conservateurs purs, des conservateurs libres, des nationaux-libéraux, cette alliance est la grande vaincue du 20 février. Les nationaux-libéraux, à eux seuls, perdent plus de cinquante sièges. Les conservateurs ne sont pas moins atteints. Cette majorité, un peu factice, pourtant assez fidèle, sur laquelle s’appuyait le gouvernement depuis 1887, est virtuellement dissoute. Elle n’est plus qu’une minorité déçue, aigrie par la défaite, peut-être divisée désormais et impuissante. Au camp de l’opposition, les uns gardent leurs avantages, les autres sont en progrès évident. Le centre catholique, conduit par M. Windthorst, a déjà plus de quatre-vingt-dix élections, et avec les ballottages, il retrouvera vraisemblablement son chiffre ordinaire de cent représentans. L’Alsace-Lorraine, invariable dans sa fidélité, a toujours ses élus de la protestation, M. Charles Grad au premier rang. Les progressistes, qui suivent le drapeau de M. Richter, ont reconquis quelques sièges. Ceux qui ont gagné le plus, en définitive, ce sont les socialistes. Ce n’est pas que les socialistes entrent, pour cette fois, en victorieux au parlement ; ils n’en sont pas là. Ils étaient au nombre de onze dans le dernier Reichstag ; ils ont déjà, par le vote du 20 février, plus de vingt élections. Ils ont la chance d’en avoir, par les ballottages, de trente à quarante. Ce n’est