l’Allemagne unifiée, formidablement armée au nord aussi bien qu’à l’est. On se serait engagé sur une ligne démesurée, et pendant ce temps les Allemands ne resteraient pas au repos. Les Allemands n’en sont pas à connaître le terrain, à étudier minutieusement cet échiquier, et, dès 1868, M. de Moltke écrivait en vue de la guerre qu’on préparait, qui allait éclater deux ans plus tard : « Si, passant outre à la neutralité, la France pénètre en Belgique, son armée s’affaiblira considérablement par les détachemens laissés à Bruxelles et devant Anvers. De la Moselle on peut, plus facilement encore que de Cologne, s’opposer à la continuation de son mouvement au-delà de la Meuse, car nous forçons l’adversaire à faire front vers le sud et à recevoir une bataille décisive, alors que toutes ses communications seront menacées. La distance étant plus grande de Bruxelles à Cologne que de cette dernière ville à Mayence, Kaiserslautern ou Trêves, dans ce cas aussi nous apparaîtrons encore en temps utile en avant de notre Rhin inférieur. »
De sorte que la France, si elle n’est déterminée par une provocation, par une nécessité de défense immédiate, n’a réellement aucune raison de se jeter dans une campagne à travers la Belgique, qui pourrait être pour elle un grand piège, dans une diversion dont les inconvéniens dépasseraient les avantages. Elle n’a, — sans parler du respect du droit, — aucun intérêt à violer la neutralité belge, qui est, au contraire, la garantie d’une partie de sa frontière. On pourrait dire plutôt que ce qui menace la Belgique menace la France, — et, en revanche, que ce qui menace la France menace aussi la Belgique, même d’autres indépendances.
Entre la France et l’Allemagne, la situation n’est pas la même ; il y a cette différence que si, pour une invasion allemande comme pour une invasion française, il y a toujours des difficultés assez sérieuses, qu’une résistance décidée de la Belgique accroîtrait nécessairement, il y a aussi, du côté des Allemands, des tentations, des entraînemens et, pour tout dire, un intérêt qu’on ne peut méconnaître. On a parlé beaucoup des préparatifs que les Allemands auraient faits, des chemins de fer qu’ils auraient construits ou développés pour pouvoir jeter rapidement des masses considérables sur cette partie de la frontière et être en mesure de décider la Belgique, de force ou de gré, à leur livrer passage. Laissons de côté les exagérations ou les puérilités. L’intérêt éventuel pour l’Allemagne, au premier bruit de guerre, pourrait être de courir, à travers la Belgique, sur les sources de l’Oise. A Aix-la-Chapelle, qui est un de ses points de concentration, elle n’est qu’à trente kilomètres de Liège. De Liège, en remontant la Meuse, elle est rapidement sur la Sambre ; elle touche à Chimay, c’est-à-dire à la