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aurait presque fatalement des lenteurs, des à-coups qui, dans tous les cas, excluent toute action rapide. Ce serait déjà un beau résultat si tout était débrouillé, si on avait, dans la vallée du Pô, quatre ou cinq corps d’armée prêts à entrer en campagne avant un mois. Une fois ces premières difficultés vaincues, les corps italiens sont aux pieds des Alpes ; ils sont à Aoste, à Domo d’Ossola et vers le Tessin, soit !

Il s’agit maintenant d’aborder le massif, et, de quelque côté qu’ils essaient de s’ouvrir un chemin, les Italiens ne tarderaient peut-être pas à s’apercevoir qu’une nation nouvelle, puissante pour sa propre défense, ne se donne pas sans péril le luxe d’une guerre offensive, d’une invasion en pays neutres. Au demeurant, aujourd’hui comme autrefois, dans cette zone des Alpes suisses, il n’y a que trois issues par où l’on puisse pénétrer : le Saint-Bernard, le Simplon, le Saint-Gothard. Les Italiens tenteraient vraisemblablement de forcer les trois passages pour porter leurs masses en pleine Suisse. Ce ne serait pas commode. Depuis l’époque, — 1800, — où l’un des officiers français les plus experts dans la guerre de montagne, l’habile Lecourbe, écrivait sur la défense de cette partie des Alpes des notes qui ont gardé tout leur intérêt militaire, les circonstances, il est vrai, ont changé. Les routes sont devenues plus praticables. Des montagnes ont été percées. Les moyens d’attaque sont plus puissans qu’autrefois. En réalité, pour une invasion venant du Piémont et de la Lombardie, les difficultés ne seraient pas moins grandes qu’elles ne l’étaient autrefois, elles seraient même plus sérieuses sur certains points. Par le chemin de fer, poussé avec intention jusqu’à Aoste, les têtes de colonnes italiennes seraient évidemment en mesure de doubler assez rapidement le grand Saint-Bernard. Elles n’en seraient peut-être pas plus avancées. Elles ne pourraient plus marcher qu’avec lenteur dès qu’elles n’agiraient plus par surprise, — et, pour peu que Martigny eût été mis en état de défense, elles seraient arrêtées en débouchant dans la vallée du Rhône. Elles auraient devant elles Martigny, puis Saint-Maurice. Au Simplon, la vieille route historique, qui date de l’ère napoléonienne, est la ligne tout indiquée d’invasion. Elle n’est que relativement facile. De Domo d’Ossola, qui est un point de concentration italienne, à Brigg, qui est la tête des chemins de fer suisses au-delà du col, la traversée n’est guère que d’une douzaine d’heures pour les