son mieux pour satisfaire les ardeurs princières dont la tutelle importune lui était confiée. Tandis que Conti, ramenant toute son armée par Maubeuge et Thionville dans le Hainaut, venait mettre au sud de Bruxelles le siège devant Mons, l’armée royale, manœuvrant dans le nord et refoulant les troupes alliées qui reculaient devant elle sans l’attendre, allait tenter à Anvers une opération du même genre dont la direction dut être confiée au comte de Clermont. Mais la marche n’était pas commencée que déjà le prince et le maréchal ne pouvaient plus s’entendre. Ce n’est pas que Clermont fût, comme son cousin Conti, un ambitieux à hautes prétentions, voulant en faire à sa tête et n’obéir à personne. C’était au contraire un bon vivant, ne songeant guère qu’à rire et à s’amuser ; il y avait en lui un mélange de qualités ou de vices, comme on voudra, très singulier à rencontrer chez un cadet de maison royale, destiné de bonne heure à l’état ecclésiastique, qui avait porté longtemps le petit collet et jouissait encore de 200,000 livres de rente du chef de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, dont il avait la commande. Cet étrange abbé, après avoir rempli Paris du bruit des hauts faits d’un libertinage élégant, et mangé le bien de l’église et des pauvres, avec la Camargo, la Du Luc et toutes les filles de joie en renom, avait obtenu, depuis deux ans déjà, la permission d’endosser l’uniforme sans quitter ses bénéfices. Bien que ce nouvel état lui plût infiniment mieux que le premier, il n’y portait pas beaucoup plus de sérieux. Faisant très bien son devoir au jour du péril, commandant même au besoin avec sang-froid et habileté, il n’en continuait pas moins à réunir sous sa tente, où il tenait table ouverte, un jeune état-major des plus gais, dont les propos, méconnaissant toutes les convenances et aussi libres que dans un souper de cabaret à Paris, ne respectaient personne et le général en chef moins que tout autre. C’était là surtout qu’on s’amusait tout haut des faiblesses galantes du maréchal, dont assurément en pareille compagnie on ne lui faisait pas un grand crime, mais dont on lui reprochait de ne pas choisir les objets avec un goût assez délicat. On riait de son penchant pour les beautés faciles et aussi de son accent étranger, de sa façon de parler originale, qui avait le tort de ne pas ressembler au ton des cercles et des salons à la mode. On le tournait même au besoin en caricature. — « Qu’il est donc fâcheux, disait un de ces petits-maîtres, d’obéir à l’homme de la cour qui a le moins d’esprit ! »
L’écho de ces légèretés indécentes ne pouvait manquer d’arriver aux oreilles du maréchal, qui n’était pas d’humeur endurante sur ce qui touchait à la dignité du commandement, et moins que