l’alliance des deux couronnes durait toujours avec la même intimité et que dès lors rien ne serait négligé pour atteindre le but commun poursuivi en Italie ; mais en dehors de ces assurances vagues, « je ne pus, dit Maillebois, rien tirer de clair de lui[1]. »
La clarté pourtant ne pouvait pas se faire attendre, car les armées autrichiennes et piémontaises ne pouvaient manquer d’arriver bientôt en force, du moment où elles n’avaient plus rien à faire ni devant Plaisance, ni de l’autre côté du Pô. La question se posait donc tout de suite, de savoir quelle attitude on prendrait à leur égard. Allait-on leur faire face et engager contre elles une campagne agressive, ou bien reculer en leur cédant le terrain ? Le premier parti était celui que Maillebois appuyait avec insistance à ce point qu’il aurait voulu livrer bataille, dès le premier jour, en attendant les ennemis aux environs mêmes de Tortone. La Mina, sans opposer un refus absolu à cette tactique commandée par l’honneur comme par l’intérêt, fit pourtant naître tant de difficultés dans l’exécution, et, toutes les fois qu’il s’agissait de passer de la parole à l’action, il trouvait tant de mauvaises raisons pour attendre, et même pour se porter en arrière au lieu de marcher en avant, que Maillebois ne put s’y tromper. L’intention de l’Espagnol était évidemment de ne point en venir aux mains surtout avec les Autrichiens, et tout en gardant l’appui de l’armée française, de l’employer seulement à conserver les conquêtes déjà faites du comté de Nice et de la Savoie. Ces deux provinces pouvaient, en effet, servir d’échange dans une négociation (peut-être déjà subrepticement engagée) pour obtenir en faveur de l’infant des conditions raisonnables. Que ce fût là la lettre de ses instructions (l’historien des campagnes de Maillebois ne le met pas en doute), ou que ce fût seulement leur esprit amplifié et commenté avec malveillance, l’effet n’en était pas moins le même. Il n’y avait plus à espérer le concours des forces espagnoles pour reprendre une initiative énergique et faire une poussée dans l’intérieur du Piémont, et dès lors Maillebois devait aussi y renoncer lui-même : car du moment où on ne regardait pas en face le roi de Sardaigne en l’inquiétant pour la sûreté de ses états, de sa capitale et même de sa personne, rien ne l’empêchait de profiter du répit qu’on lui laissait pour passer lui-même à son tour derrière les troupes françaises et, se rapprochant de la mer, couper leur communication avec la Provence. La position de Novi (qu’on fut assez heureux pour reprendre) était excellente, pendant la station d’hiver, comme point de départ et comme point d’appui d’une campagne ; mais on
- ↑ Maillebois à d’Argenson, 10 août 1746.