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LE FEU, LE CALORIQUE,
LA CHALEUR ANIMALE
D'APRES LAVOISIER[1]

L’intervention de la chaleur, c’est-à-dire du principe du feu, dans les phénomènes de la nature est trop frappante et trop considérable pour avoir été jamais méconnue, et la manière de la comprendre a été l’origine de la plupart des théories physiques et physiologiques qui se sont succédé depuis l’antiquité jusqu’à nos jours. Chaque changement profond éprouvé par cette conception a été corrélatif avec une révolution dans les idées, des philosophes naturalistes. Mais la plus considérable peut-être de ces révolutions qui nous ait été rapportée dans l’histoire de la science est celle dont Lavoisier fut le promoteur. Jusque-là le feu était assimilé aux autres élémens ; tandis que cette révolution a séparé nettement et sans retour la nature du calorique, soustrait par essence aux actions de la pesanteur, de celle des matières ordinaires, qui y sont soumises ; et elle a fait disparaître en même temps la notion traditionnelle des élémens d’autrefois : ces élémens ont perdu leur caractère substantiel, et ils ont fait place aux états généraux des corps, état solide, état liquide, état gazeux, réglés et définis par l’action plus ou moins intense de ce même calorique.

  1. Cette étude est tirée d'un ouvrage inédit intitulé la Révolution chimique : Lavoisier, qui paraîtra prochainement chez M. F. Alcan, éditeur. M. Berthelot a bien voulu en communiquer un chapitre à la Revue.