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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 98.djvu/353

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à la vérité des propriétés pondérales qu’on lui avait attribuées jusque-là. Le feu n’en resta pas moins sous cette nouvelle forme le premier principe du mouvement dans les êtres inanimés, aussi bien que dans les êtres vivans, et le lien des trois états généraux de la matière pondérable ; de même qu’il était réputé autrefois l’élément actif de toutes choses[1] et le lien des trois autres élémens.

Rappelons en peu de mots les idées d’autrefois et les idées modernes sur ces questions.

Les phénomènes de la combustion, la chaleur et la lumière qui l’accompagnent et qui semblent avoir leur siège dans la flamme elle-même, enfin la liaison étroite qui existe entre ces phénomènes et la vie des êtres organisés, ont de tous temps frappé au plus haut degré l’attention des hommes. L’art de produire le feu est le premier degré de notre science : la connaissance du feu « maître de tous les arts, le plus grand bien qui soit pour les vivans[2], » fut le premier pas dans cette longue suite d’inventions qui ont maîtrisé la nature et fait passer l’espèce humaine de l’état purement animal, jusqu’à ce degré de civilisation atteint par les peuples modernes. Mais de la pratique des faits l’esprit humain ne tarda guère à passer à leur explication.

C’est ainsi que le feu, adoré à l’origine comme un être animé, un Dieu tantôt bienfaiteur, tantôt dévorant, devint un objet de conceptions scientifiques, au temps des philosophes grecs. Ils en aperçurent tout d’abord le double caractère : celui d’une matière, d’un élément, assimilable à l’air, à l’eau, à la terre, et soumis comme eux aux régularités de la géométrie[3], et celui d’une cause de mouvement, sans laquelle rien de visible ou de vivant ne peut exister.

Le feu est réputé à cette époque préexister en nature dans les corps combustibles. « Le soufre, dit Pline, renferme une grande quantité de feu. » Dans la combustion, ce feu se dégage sous forme de flamme et de chaleur, en même temps que le combustible disparaît.

Ces préjugés avaient été réduits au XVIIIe siècle par Stahl en un corps de doctrines, conformes aux connaissances de son temps. D’après Stahl, le charbon et les corps combustibles sont changés par la combustion en chaleur et lumière ; et réciproquement, lorsqu’on chauffe les corps combustibles avec les chaux métalliques (c’est à-dire avec nos oxydes), ils s’y fixent, en régénérant les métaux libres,

  1. Olympiodore, cité dans mes Origines de l’Alchimie, p. 258.
  2. Eschyle, Prométhée enchaîné.
  3. Voir le Timée, cité dans les Origines de l’Alchimie, p. 265 et suiv.