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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 98.djvu/365

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Boerhaave ajoutait même ces paroles profondes, pressentiment de la vérité : « Qui pourra dire s’il n’existe pas dans l’air une vertu cachée pour y entretenir la vie que les animaux et les végétaux y puisent ; si elle n’est pas susceptible de s’épuiser ; si ce n’est pas à cet épuisement qu’est due la mort des animaux qui n’en trouvent plus ? Plusieurs chimistes ont annoncé l’existence d’un élément vital dans l’air ; mais ils n’ont dit ni ce que c’était, ni comment il agissait ; heureux qui pourra le découvrir ! » Boerhaave fait ici allusion aux vues et aux essais de Mayow, chimiste anglais mort un siècle auparavant, sur l’esprit nitro-aérien, générateur supposé du nitre aérien ; esprit contenu dans l’air, dont il était censé produire l’élasticité. Mayow lui attribuait la propriété de servir d’aliment au feu, de produire la rouille et les acides, enfin d’entretenir la respiration des animaux et de changer le sang noir et veineux en sang rouge et artériel ; non sans un certain développement de chaleur, comparable à celui qui se produit dans la pyrite exposée à l’air. Mais ces vues, extraordinaires pour le temps, étaient de simples intuitions, dénuées de démonstrations et prématurées : elles n’étaient pas mieux établies que tel système absurde proposé au même moment par les contemporains ; aussi demeurèrent-elles sans écho et furent-elles bientôt oubliées. Cependant on voit que Boerhaave y pensait encore au milieu du XVIIIe siècle.

Black fit un pas plus décisif pour la connaissance des phénomènes. En 1757, dans son grand travail sur l’air fixe (acide carbonique), il reconnut que ce gaz se forme sous l’influence de la respiration, par la transformation d’une portion de l’air ordinaire : il ne pouvait aller plus loin, l’oxygène étant inconnu à ce moment.

Ce fut encore Priestley qui eut l’initiative à cet égard par les expériences sur la respiration qu’il ne manqua pas de faire avec son air déphlogistiqué (notre oxygène). Au moment où il le découvrit, on savait déjà, depuis le temps de Hauksbee, et même auparavant, que l’air où l’on a porté au rouge des métaux, tels que le fer ou le cuivre, est devenu impropre à entretenir la vie animale : ce que l’on expliquait par les exhalaisons sorties de ces métaux. C’était, comme dans toute l’histoire des théories de ce temps, attribuer à un phénomène positif, c’est-à-dire à l’introduction d’un agent nouveau, les exhalaisons métalliques, un effet dû, en réalité, à un phénomène négatif, la soustraction de l’oxygène, agent préexistant. Priestley reconnut d’abord que l’oxygène est plus propre que l’air ordinaire à entretenir la respiration, tout aussi bien que la combustion ; car les animaux y conservent plus longtemps leur activité : « La respiration, ajoute-t-il, se conformant aux opinions régnantes, phlogistique l’air et le rend ainsi irrespirable, et elle y forme en même temps de l’air fixe. » À ce moment deux gaz très