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saveur, — rien du grim humour, notons-le, de la Nouvelle-Angleterre, accompagné de religion et où la tendance morale se fait sentir à travers la plaisanterie même. Mrs Burnett est du sud, dans toute l’acception que donnent à ce mot les puritains du nord ; elle ne cite guère la Bible et on ne trouvera dans ses écrits ni une parabole ni une leçon. La puissance de la bonté naturelle, ingénue, ignorante du mal paraît être son thème favori ; en effet, toute la morale du Petit lord Fauntleroy pourrait être résumée ainsi : Celui qui ne croit pas à la méchanceté, qui, par conséquent, n’en a pas peur, ne rencontre pas de méchans.

Cette quasi-vérité nous est prouvée une fois de plus dans un autre récit enfantin, beaucoup plus court que le premier, Editha’s Burglar.

Edith est une petite fille qui a l’âge et le bon cœur de Cedric ; elle sait, pour en avoir entendu parler, qu’il existe des criminels et au lieu de les craindre, elle les plaint, parce que, se dit-elle, personne sans doute ne leur a enseigné à mieux faire. La nuit donc où un voleur s’introduit dans la maison et où elle se trouve en face de ce personnage, elle ne crie ni ne s’effraie ; elle demande poliment à l’intrus d’épargner le sommeil de sa maman, de forcer sans bruit les serrures et de vouloir bien se contenter de ses bijoux ; au besoin, elle y joindra ses livres de récréation.

Jamais voleur ne fut plus étonné de sa vie. L’émotion ne l’empêche pas d’emporter tout ce qu’il peut et même l’écrin particulier d’Edith qui lui est si généreusement offert. Mais la suite prouve qu’on peut être voleur, et condamné, et déporté, impénitent par surcroît et farceur jusqu’au bout, en gardant néanmoins au fond de sa pensée, si souillée, si grossière qu’elle puisse être, un souvenir attendri qui est comme la première révélation du bien. Qu’on se figure un animal féroce dans la gueule duquel un petit enfant viendrait mettre une main confiante et qui, au lieu de fermer sur cette main ses terribles mâchoires, la laisserait se retirer et irait même jusqu’à la lécher amicalement : voilà ce qui se passe, ou il s’en faut de peu, entre Edith et son voleur.

On dit que Mrs Burnett va se consacrer à écrire d’une manière spéciale pour la jeunesse ; nous le regretterions, car un tour de force tel que celui qu’elle a accompli en intéressant tous les âges au Petit lord Fauntleroy a peu de chances de se renouveler ; elle retombera fatalement dans les invraisemblances et dans les mièvreries qui çà et là déparent Sarah Crewc et le Voleur d’Edith, si charmantes que soient ces deux bluettes. L’abus de l’imagination est un péril duquel il faut se garder en notre siècle de logique et d’analyse. Through one administration, malgré la recherche