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Convenons qu’il était difficile de se refuser à une si aimable insistance faite par un disciple qui acceptait les conseils de si bonne grâce et en tirait si bon parti. Peut-être Noailles se sentait-il déjà mal engagé dans une voie où il allait à l’encontre de la volonté royale. Toujours est-il qu’il saisit la première occasion pour faire savoir au roi qu’il n’avait jamais eu l’intention de s’ingérer dans une affaire aussi délicate qu’un mariage et qu’il ne faisait qu’un vœu, « c’est que M. le Dauphin trouvât une princesse aimable qui pût fixer son estime et sa confiance, saine de corps et d’esprit, et pouvant donner une suite d’enfans mâles, robustes, et bien conditionnés. » Et rencontrant quelques jours après le comte de Loos, il vint à lui en souriant : « C’est donc vous, lui dit-il, qui me faites gronder par le maréchal de Saxe, je ne suis pourtant pas votre ennemi. »

Le nouvel ambassadeur à Dresde, le marquis des Issarts, écrivait de son côté qu’il avait vu la princesse à l’église et qu’il était ravi de l’agrément de son visage, du charme de son expression et de la pieuse douceur de son attitude. Qui restait-il donc dans le parti de la résistance ? Peut-être la pauvre reine, qui gardait encore son petit coin de stanislaïsme ? Mais Mme de Pompadour avait entrepris de la convaincre, et, chose étrange, elle paraissait y réussir : on remarquait déjà que la reine pleurait, et les larmes étaient chez elle le signe de la résignation[1].

Si quelque hésitation, du reste, durait encore, un incident inattendu et glorieux, que Maurice n’aurait pas sans doute provoqué, mais qu’il accepta peut-être plus volontiers ce jour-là qu’un autre, allait y mettre un terme. Les désastres d’Italie, qu’on pouvait prévoir, avaient fait évanouir le rêve de l’alliance savoyarde. La victoire de Raucoux, sur laquelle on ne comptait pas, allait emporter d’assaut le mariage saxon.

Après la prise de Namur, la saison d’automne étant arrivée (puisque le château ne se rendit que le 1er octobre), il semblait que la campagne fût finie pour cette année. Le terrain des Pays-Bas était complètement déblayé ; il ne restait plus rien de la fameuse barrière. Le seul siège qu’on eût encore à faire était celui de Maestricht, mais cette forte cité étant en territoire hollandais, c’eût été

  1. Rousset, t. II, p. 243. — Le comte de Loos écrit le 9 octobre : « On a remarqué une agitation et un air de tristesse chez la reine, qui fait présumer que le roi lui a parlé décidément du mariage de M. le Dauphin avec notre princesse. » Et Chambrier dit plus tard : « La reine a beaucoup pleuré avant d’avaler cette pilule. »