Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 98.djvu/545

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et d’Anse, qui touchaient à la Meuse, et dont la garde était confiée aux Hollandais. Le centre, appuyé au gros bourg de Raucoux, était occupé par les Anglais, les Hessois et les Hanovriens. J’ai dit que de profonds ravins (la plupart garnis de redoutes) séparaient chacune de ces positions ; mais la ligne était trop longue pour pouvoir être partout bien gardée, et les mouvemens d’un point à l’autre étaient rendus difficiles par la nature même du terrain. Maurice, rangeant ses troupes en demi-cercle en face des alliés, chargea le comte de Clermont, qui commandait sa droite, de déposter les Hollandais de la position d’Anse ; lui-même dut foncer sur celle de Raucoux. Quant à sa gauche, confiée au marquis de Clermont-Gallerande, elle dut, au moins au début de la journée, se borner à observer et à intimider les Autrichiens pour les immobiliser dans leur station d’Houtain, d’où il leur était déjà très malaisé de se déplacer pour venir en aide à leurs alliés.

Le succès répondit pleinement à ses prévisions. Il eût été plus complet encore si un brouillard épais, régnant sur toute la contrée pendant la matinée, n’eût fait retarder le signal d’attaque jusqu’à midi. Anse et Grâce furent rapidement emportés par Clermont Prince (comme on l’appelait, pour le distinguer de Clermont-Gallerande). Raucoux, couvert par une assez forte redoute (que l’infanterie anglaise défendit avec son énergie et sa solidité accoutumées), opposa plus de résistance. Maurice en vint à bout cependant ; et, parvenu sur les hauteurs qui dominent le bourg, il put apercevoir Anglais et Hollandais se précipitant pêle-mêle vers la Meuse. Malheureusement, le jour tombait déjà (le soleil disparaît de bonne heure en octobre), et les plis de terrain qui avaient entravé les mouvemens de l’armée alliée devenaient une gêne pour la cavalerie française et lui rendaient impossible de poursuivre les fuyards pour les jeter et les noyer dans le fleuve. Deux heures de plus de jour, disait Maurice, et personne ne nous échappait. Grâce à la nuit, au contraire, la plus grande partie de l’armée alliée put se défiler par les ponts, qu’on ne put détruire à temps. Il n’y eut plus, sur la gauche du fleuve, que les Autrichiens, qui, n’ayant pas bougé d’Houtain, se retirèrent dans un camp fortifié sous Maestricht, d’où une nouvelle bataille eût été nécessaire pour les déloger[1].

Le résultat matériel était donc loin d’être complètement atteint, et le chevalier de Belle-Isle, qui était le premier lieutenant-général de service ce jour-là, n’avait pas absolument tort d’écrire à son

  1. On reproche beaucoup dans les récits militaires du temps au marquis de Clermont-Gallerande de n’avoir pas attaqué à temps les Autrichiens dans leurs postes d’Houtain. Maurice pourtant, rendant compte de la bataille au roi de Prusse, dit en propres termes, qu’il l’avait chargé seulement d’amuser les Autrichiens.