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progressiste qui est aux affaires depuis la révolution ; le parti libéral, dont le comité directeur a été dissous et qui semble surtout se caractériser par une certaine défiance à l’égard des étrangers ; enfin un troisième parti, moins bien délimité, qui fait principalement des recrues dans la jeunesse.

Cette transition politique se complique d’un problème économique des plus ardus, la révision des traités avec les nations civilisées. Il s’agit pour le Japon de reconquérir sa liberté judiciaire et sa liberté économique ; mais ces biens, il les devra acheter par quelques concessions concernant l’ouverture du pays aux étrangers. Cette question passionne plus les Japonais que celle de la constitution. Elle a déjà provoqué une tentative d’assassinat politique. Le comte Okouma, ministre des affaires étrangères et partisan d’une révision des traités qui ouvrirait l’intérieur du pays aux Européens, fut frappé d’une bombe de dynamite par un fanatique, lequel, croyant l’avoir tué, se coupa la gorge immédiatement. Le comte Okouma en fut quitte pour l’amputation d’une jambe, mais ses projets ont été peut-être aussi atteints que lui par la bombe. Le ministère en est devenu indécis et chancelant.

Pour apprécier les difficultés de la situation actuelle au Japon, il faut s’élever au-dessus des menus incidens de la politique courante. Il convient d’étudier les réformes déjà accomplies, l’état réel du peuple, les transformations qu’il a subies et celles qui se préparent, soit par les intentions du gouvernement, soit par la force des choses.

Nous avons pour cet examen un guide précieux, un Japonais dont l’éducation s’est complétée aux États-Unis, M. Yeijiro Ono, docteur en philosophie de l’université de Michigan. Dans un travail étendu, plein de faits et de pensées, 'The Industrial Transition in Japan, M. Yeijiro Ono décrit la situation actuelle des classes rurales et industrielles dans son pays, l’état de l’agriculture, des manufactures et des moyens de transport ; puis, avec toute la science d’un véritable scholar, versé profondément dans l’histoire économique, il déduit les lois du développement industriel, il fait l’application de ces lois à son pays ; il indique les écueils à éviter, les réformes à accomplir. On serait étonné de l’érudition de l’auteur, si l’on ne connaissait l’esprit de l’American Economic association qui a édité cet important travail : toutes les publications de cette Société, fondée il y a une demi-douzaine d’années, se signalent à la fois par la solidité des connaissances doctrinales et par l’étendue des investigations historiques. M. Yeijiro Ono déclare qu’il est très redevable à deux professeurs de l’université de Michigan, MM. Henry C. Adam et Frederick C. Hicks, ainsi qu’au