Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 98.djvu/659

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Hondo, dix-huit mines sont exploitées, on en a aussi découvert une dans l’île Shikoku ; mais c’est surtout la plus méridionale des îles importantes du Japon, Kiushiu, qui paraît offrir des richesses houillères. M. Yeijiro Ono l’appelle la Pensylvanie japonaise, et dit qu’elle est entièrement recouverte de gisemens de charbon ; comme le port de Nagasaki se trouve précisément dans cette île, il s’y en écoule des quantités importantes. Il faudrait seulement savoir si le charbon est de bonne qualité. En 1884, l’extraction du charbon au Japon a atteint 870,382 tonnes, dont 807,000 pour la seule île de Kiushiu. Et elle s’accroît, nous dit-on, rapidement. On en exporte en Chine, dans l’Asie russe et jusqu’aux Indes. C’est encore un chiffre bien mesquin que 870,000 tonnes de charbon, auprès des 170 millions de tonnes de l’Angleterre, des 60 millions de l’Allemagne et même des 23 millions de la France. Mais, les capitaux, les connaissances techniques, les voies de transport manquant au Japon, il est probable que, lorsque le temps et une politique intelligente auront procuré au pays ces trois facteurs essentiels de l’industrie, les 870,000 tonnes de l’heure présente pourront décupler, peut-être vingtupler, sinon se multiplier encore davantage, et avec cette étendue de côtes, cette population dense, à l’esprit ingénieux, novateur et hardi, avec cette abondance de main-d’œuvre habile et peu coûteuse, qui peut prévoir les destinées industrielles de ce peuple qui se fait aujourd’hui, avec tant de souplesse et de patience, l’écolier de l’Europe et de l’Amérique ?

A chaque instant revient chez M. Yeijiro Ono cette expression, qui sonne comme un avertissement aux Européens un peu gâtés, l’abondance du cheap and skilled labour au Japon, la main-d’œuvre habile et à bon marché. Jusqu’ici elle s’est surtout exercée à ces métiers délicats, gracieux, qui ornent la vie et qu’on appelle les arts décoratifs. L’Exposition de Londres, en 1862, révéla le Japon à l’Occident, du moins aux classes moyennes et bourgeoises de l’Occident. Aujourd’hui, dans cette année 1890, s’ouvre l’Exposition de Tokio. On y verra les produits où le Japon a toujours excellé et ceux où il fait, avec ardeur et ténacité, son apprentissage. Le Japonais est surtout épris de menus objets. L’aspect de la nature l’inspire pour embellir et varier les articles de soie, de laque, de céramique et de bronze. C’est un peuple d’artisans plutôt que d’ouvriers. Le patronage des barons féodaux, nous dit notre écrivain, a suscité et développé ces talens décoratifs, ce qui confirme notre thèse sur l’utilité civilisatrice du luxe. L’industrie de la poterie et de la porcelaine a été rapportée de l’expédition de Corée en 1598, quand beaucoup de généraux ramenèrent avec eux des artistes coréens pour fonder des manufactures dans leurs