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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 98.djvu/695

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REVUE LITTERAIRE

LA REFORME DU THEÂTRE

Pour la troisième ou la quatrième fois depuis quatre-vingts ans, il est question de réformer le théâtre. Les « jeunes, » avec une vivacité mêlée d’aigreur, accusent les… autres, d’encombrer ou d’accaparer la scène, et ainsi d’immobiliser l’art. Ils reprochent aux directeurs, en fait de nouveautés, de n’en accueillir et de n’en « monter » que de vieilles. Et ils en veulent enfin à la critique, au lieu d’applaudir à leurs tentatives, d’en détourner, d’en décourager, d’en dégoûter le public ? Ont-ils tort ? ont-ils raison ? Pour ce qui est des directeurs, ils nous permettront de n’en rien dire. Un directeur de théâtre a derrière lui des actionnaires, comme au Gymnase ; il a au-dessus de lui, comme à l’Odéon ou comme à la Comédie française, une administration ; ses intérêts ne sont donc pas seulement les siens ; et, quand ils le seraient, on ne peut pas exiger de lui que, par amour de l’art, il brave les risques de la faillite ou de la liquidation judiciaire. Quant aux auteurs, ce n’est pas cette année, je pense, qu’on pourra décemment reprocher à M. Feuillet, à M. Dumas, à M. Sardou, à M. Pailleron, à M. Halévy, d’avoir « accaparé » la scène. Mais, pour la critique, je conviens que c’est une autre affaire ; et, si c’est une de ses fonctions que d’éclairer, que de préparer, que de devancer quelquefois le goût du public, les jeunes gens n’ont peut-être pas tort de la trouver lente, paresseuse même, et un peu rebelle à s’en acquitter.

J’en sais bien un motif : c’est qu’en vérité les jeunes gens, pressés de parvenir, ne négligent rien aujourd’hui de ce qu’il faut faire pour