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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 98.djvu/830

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manière de remercîment son ancien élève Charles II, je m’aperçois que votre crédit peut vous procurer meilleure chère que ne pourrait m’obtenir le mien. » Cependant, en dépit des ressources qu’il tirait de l’amitié, de la famille, des souvenirs reconnaissans des grands services rendus à la cause royale[1], il avait à passer de durs momens. « Je ne me plains pas, pour ce qui me concerne, disait sir Charles Cavendish, mais vraiment ce que je mange ne me fait aucun bien en voyant comment mon frère est toujours si près de manquer qu’après un dîner il n’est jamais sûr du suivant. » Un jour, à Paris, son maître d’hôtel vint l’avertir qu’il lui serait impossible de lui servir son dîner, les créanciers refusant de faire plus longtemps crédit. « Vous serez obligée de mettre vos robes en gage, si vous voulez dîner, » dit-il en riant à la duchesse, et ce jour-là, en effet, on ne dîna que parce que la femme de chambre mit en gage ses propres bijoux. Mais c’était précisément dans ces momens de crise que Newcastle se montrait avec tous ses avantages ; il faisait face à toutes les difficultés avec sa belle humeur d’homme d’esprit, et son assurance de grand seigneur. Lorsque les créanciers devenaient trop pressans, ou refusaient de continuer le crédit, Newcastle les mandait en troupe, puis lorsque toute la meute était assemblée devant lui, il les haranguait avec une si persuasive éloquence qu’il les renvoyait domptés, et si bien rassurés que non-seulement ils renonçaient à réclamer leur dû, mais qu’ils s’offraient à lui faire un crédit encore plus considérable que par le passé. Vingt fois, tant à Anvers, qu’à Rotterdam et à Paris, Newcastle a joué en toute honnêteté la scène de don Juan et de M. Dimanche, et toujours avec un plein succès. Ce miracle de l’éloquence et des dons de charmeur de son noble époux étonnait la duchesse elle-même, et volontiers elle l’attribuait, à la volonté divine. « Certainement ce fut une œuvre de la divine

  1. Grâce aux détails très minutieux dans lesquels la duchesse est entrée sur ces années d’exil, nous pouvons faire le compte à peu près exact des sommes que le duc a pu se procurer pendant cette période besogneuse. La reine Henriette lui fit un don de 2,000 livres (50,000 fr.) et s’engagea pour ses dettes de Paris ; son cousin le comte de Devonshire et le marquis de Hereford firent à eux deux 2,000 livres ; le fils de sir Thomas Aylesbury, frère de lady Clarendon, fournit 200 livres ; sir Charles Cavendish envoya d’Angleterre 200 livres ; sa fille, lady Cheiney, lui donna le produit de la vente de son argenterie, plus 1,000 livres (25,000 fr.) de son douaire ; son fils, lord Ogle, vint à différentes reprises à son secours pour des sommes non spécifiées, mais que l’on peut supposer importantes ; 400 livres encore furent empruntées à Paris. A toutes ces sommes, il faut ajouter le douaire de la duchesse qu’elle s’empressa de réclamer à son frère lord Lucas dès que les difficultés devinrent trop sérieuses, ce qui restait de la fortune de sir Charles Cavendish après qu’il eut composé avec le gouvernement républicain, et enfin ce que lui fournit le crédit, sur lequel il vécut principalement pendant ces dix-huit ans. Une addition même sommaire de ces différentes ressources donnerait encore un total fort respectable.