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Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 98.djvu/885

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représentée un peu avant 1830 sur la scène de l’Odéon. Dans cette pièce dont la moralité, si peu convaincante qu’elle lût, avait au moins le mérite de se formuler sans équivoque, le classique, c’était l’honnête homme ; le romantique, c’était le fripon. Et comme ces procédés de justice distributive étaient pratiques avec un égal empressement dans les deux partis, comme de chaque côté on se croyait à peu près tout permis contre l’ennemi dont il s’agissait de se défaire, les spectateurs de la querelle ne savaient trop à qui imputer de préférence les excès qui la signalaient de jour en jour.

Sans avoir peut-être les mêmes incertitudes, l’académie des Beaux-Arts éprouvait les mêmes dégoûts en face des violences auxquelles on ne craignait pas de recourir et des injurieuses attaques qui parfois s’étendaient jusqu’à elle. Naturellement, dans ce conflit d’ambitions effrénées et de tentatives rétrogrades, elle s’était abstenue de toute intervention directe ; de là son impopularité à peu près égale dans les deux camps, sauf cette différence toutefois que les classiques lui reprochaient d’abandonner, en se désintéressant de leur cause, la défense des hautes traditions, tandis que les accusations du parti adverse portaient sur son opposition systématique aux aspirations les plus légitimes de l’esprit moderne, à la moindre velléité d’innovation et de progrès.

À la vérité, le progrès, tel que l’entendaient les artistes et les critiques de la nouvelle école, n’était pas de nature à séduire facilement des hommes convaincus que, en matière d’art, la fantaisie ne saurait dispenser de l’étude et de l’expérience technique, et, que la volonté de remettre en honneur telle époque oubliée de l’histoire ou tel ordre de sentimens particulier n’affranchit nullement du respect de certaines lois immuables. Pour opérer utilement une réforme, il ne suffisait pas à leurs yeux de remplacer tant bien que mal sur la toile les dieux de l’Olympe par des personnages empruntés aux fabliaux ou aux chroniques, les Grecs et les Romains par les seigneurs ou les truands du moyen âge : encore fallait-il que, sous l’imprévu des apparences, se retrouvât ce qui constitue le fond nécessaire de l’art et que, sous prétexte de renouveler le style pittoresque, on n’en arrivât pas à sacrifier délibérément la grammaire. Mais, cela n’est pas moins certain, ces mêmes hommes, d’origines d’ailleurs et de talens si divers, ces membres d’une compagnie qui, en dehors de tout système préconçu, venait d’admettre dans son sein Ingres et Rossini, Horace Vernet et David d’Angers, ne pouvaient, sans démentir les doctrines libérales du corps et leur propre passé, faire cause commune avec les apôtres de l’immobilité à outrance. Aussi les professions de foi opposées