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impossible de répondre encore à vos numéros 21 et 22, quoique ceux-ci soient très importans aussi ; mais il n’y a que vingt-quatre heures dans la journée. Tout le monde raffole du jeune roi, grande et petits… Un des principaux matadors de la suite du roi, questionné par quelqu’un si la demoiselle plaisait au comte de Haga, répondit brusquement : « Il faudrait qu’il eût le diable au corps si elle ne lui plaisait pas. »


Ce 5 septembre 1796.

C’est aujourd’hui la fête de sainte Elisabeth, dont l’épouse de M. Alexandre porte le nom ; il y aura messe, puis dîner chez ledit M. Alexandre, et le soir grand bal. Je vous assure qu’il me paraît que le meilleur de mes contemporains, dans ce moment, et celui qui promet le plus, c’est le jeune roi de Suède : il ne lui manque que plus d’expérience et de meilleures têtes autour de lui…


On le voit, le jeune roi de Suède avait fait la conquête de l’impératrice, qui avait suivi toutes les phases de ce roman préparé de longue main avec une sollicitude maternelle. On comprendra mieux maintenant l’effet que dut produire le dénouaient que la comtesse *** va nous raconter, puisque Catherine se garda bien de s’en vanter à Grimm.

«… Les jours semblaient voler pour moi, j’éprouvai plus de peine que jamais en quittant Tsarsko-Sélo. Je sentais au fond de mon cœur une voix qui me disait : « C’est le dernier été que tu y as passé. »

« On rentra en ville, on parla hautement de l’arrivée du roi de Suède, on se prépara à des fêtes et à des réjouissances qui se changèrent en tombes et en pleurs.

« Le roi arriva peu de temps après que la cour fut rentrée en ville. Il avait pris le nom de comte de Haga et logeait chez le baron de Steding, son ambassadeur. Sa première entrevue avec l’impératrice fut très intéressante. Elle le trouva tel qu’elle avait désiré de le trouver. Nous fûmes présentés au roi à l’Ermitage. L’entrée de Leurs Majestés dans le salon fût remarquable. Elles se tenaient par la main. La dignité et l’air noble de l’impératrice ne firent aucun tort à la bonne tenue que le jeune roi sut conserver. Son habit noir suédois, ses cheveux tombant sur ses épaules ajoutaient à sa noblesse un air chevaleresque. Tout le monde fut frappé de ce spectacle.

« Le duc de Sudermanie, oncle du roi, n’était rien moins qu’imposant. Il est haut comme la jambe, il a les yeux un peu louches et rians, une bouche en cœur, un petit ventre pointu et tout de