Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 98.djvu/911

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

N° 1. — Conviendrez-vous, mon cher frère, avec moi, qu’il est non-seulement die l’intérêt de votre royaume, mais même de votre intérêt personnel, de contracter le mariage que vous m’avez dit désirer ?

Si Votre Majesté en convient et en est persuadée, pourquoi faut-il que la religion lasse naître les difficultés à ses désirs ? Qu’elle me permette de lui dire que les évêques même ne trouveront rien à redire à ses volontés et se montreront empressés à lever tout scrupule à cet égard.

L’oncle de Votre Majesté, ses ministres et tous ceux qui par leurs longs services, leur attachement et leur fidélité pour sa personne ont le plus le droit d’en être crus, se réunissent à ne trouver dans cet article rien de contraire à sa conscience, ni à la tranquillité de son règne.

Vos peuples, loin de blâmer votre choix, y applaudiront avec transport et ils continueront à vous bénir et à vous adorer parce qu’ils vous devront un gage assuré de leur prospérité et de leur tranquillité publique et particulière.

Ce même choix, j’ose le dire, prouvera la bonté de votre jugement et de votre discernement et contribuera à augmenter les suffrages de votre nation.

En vous accordant la main de ma petite-fille, j’ai l’intime conviction que je vous fais le plus précieux don qu’il soit en mon pouvoir de vous faire et qui puisse le mieux vous convaincre de la vérité et de l’étendue de ma tendresse et de mon amitié pour vous. Mais au nom de Dieu, ne troublez point son bonheur et le vôtre en y mêlant des objets tout à fait étrangers, et sur lesquels il sera sage que vous imposiez un profond silence à vous-même et aux autres, sans quoi vous ouvrirez la porte à des chagrins, à des intrigues et à des clabaudages sans fin.

A la tendresse maternelle que vous me connaissez pour ma petite-fille, vous pouvez juger de ma sollicitude pour son bonheur. Je ne puis ne pas sentir qu’il deviendra inséparable du vôtre, aussitôt qu’elle vous sera unie par les liens du mariage. Pourrai-je jamais consentir à les former si j’y voyais le moindre sujet de danger ou d’inconvénient pour Votre Majesté, et si je n’y voyais pas au contraire tout ce qui peut assurer votre bonheur et celui de ma petite-fille ?

A tant d’autorités réunies qui doivent influer sur la décision de Votre Majesté, j’en ajouterai une dont le poids a plus de droit à sa considération. Le projet de ce mariage a été conçu et nourri par le feu roi son père, de glorieuse mémoire. Je ne citerai sur ce fait avéré ni les témoins de votre nation ni ceux de la mienne, quoiqu’il y en ait quantité, mais je nommerai les princes français et les gentilshommes de leur suite dont le témoignage est d’autant moins suspect qu’ils sont tout