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dans l’Italie tout entière. Toutes les grandes villes voulurent en avoir de semblables. Au bout de sept ans, 6,000 adhérens s’y étaient fait inscrire. Toutefois, la nouvelle méthode faisait plus de progrès en théorie qu’en pratique et, à la fin de 1882, on n’avait encore pratiqué que 239 crémations, dont 219 à Milan et 20 à Lodi. Dans les vingt-six autres villes qui avaient pris part au mouvement, on se bornait à tenir des réunions et à formuler des vœux.

Il est vrai qu’il s’était élevé quelques obstacles sur la route des novateurs. A diverses reprises, le conseil d’état avait été obligé d’intervenir dans la question, et la mort de Garibaldi fut un véritable échec pour la nouvelle méthode.

Le général, qui était un homme de progrès, avait accepté les offres obligeantes du docteur Prandina et l’avait chargé de brûler son cadavre. Il avait lui-même réglé la cérémonie, dans une lettre qui peint trop bien le caractère du personnage pour que j’hésite à la reproduire. En voici le texte :


« Caprera, 27 septembre 1877.

« Mon cher Prandina,

« Vous avez l’amabilité de vous charger de brûler mon cadavre et je vous en remercie.

« Sur le chemin, qui, de ma maison, se dirige au nord vers la plage, il y a, à gauche, à la distance de trois cents pas, une dépression de terrain bornée par un mur.

« Sur cet angle, on élèvera un bûcher de 2 mètres, formé d’acacias, de lentisques, de myrtes et autres bois aromatiques. On placera sur le bûcher un petit lit de fer, et, sur celui-ci, le cercueil découvert contenant ma dépouille mortelle revêtue de la chemise rouge.

« Une poignée de cendres sera mise dans une urne quelconque qu’on placera dans le lieu où sont conservées les cendres de mes filles, Rose et Anita.

« Tout à vous à jamais,

« J. GARIBALDI. »


Il était impossible d’exprimer plus nettement une intention mieux arrêtée ; aussi, lorsque le général eut rendu le dernier soupir, le ministre de l’intérieur chargea le docteur Pini, secrétaire de la Société de crémation, de se rendre à Caprera en compagnie du docteur Todaro et de l’honorable député, J. Crispi, pour y procéder à la cérémonie, dont le défunt avait lui-même tracé le