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depuis huit mois et que les membres du congrès d’hygiène et de démographie de 1889 sont allés visiter à diverses reprises pendant qu’il était en action. Cet appareil n’est peut-être pas le dernier mot de la perfection ; mais il réalise un progrès sensible sur celui qui l’avait précédé.

Depuis vingt ans, en effet, on a imaginé et mis à l’essai bien des types de fours à crémation. Leur description serait sans intérêt et paraîtrait déplacée dans une étude comme celle-ci. Ils diffèrent surtout par la nature du combustible employé. On s’est d’abord servi de bûchettes et de fascines. C’était encore le moyen usité à Milan en 1885, à l’époque où j’y ai assisté à une crémation ; c’est également celui qu’on a employé à Paris lors des premiers essais et qu’on n’a pas trouvé assez expéditif. Plus tard, on a eu recours à la flamme du gaz d’éclairage dont on se sert depuis longtemps dans l’industrie métallurgique pour produire de hautes températures. Dans l’appareil Toisoul et Fradet, c’est de l’oxyde de carbone extrait du coke et dont la combustion est activée par des courans d’air chaud.

Le monument dans lequel ce four est installé et qui s’élève sur les hauteurs du Père-Lachaise est moins vaste et moins décoratif que celui de Milan. C’est un petit édifice sans prétention et sans style, qui a un dôme comme une église et une cheminée comme une usine. Le gazogène où se produit l’oxyde de carbone est placé dans le sous-sol. Au-dessus de lui se trouve le récupérateur dans lequel l’air est chauffé par le calorique qui se dégage pendant la distillation du coke. Le tout est surmonté par le laboratoire. Cette dénomination scientifique sert à désigner le four en briques réfractaires dans lequel on plonge le cercueil et son contenu. Au fond de sa cavité se trouve un dispositif spécial de brûleurs de gaz ; sur les côtés débouchent les tubes par lesquels arrive l’air chaud ; en avant sont les descentes de fumée. La paroi inférieure, la sole, est creusée, dans toute sa longueur, de deux profondes rainures destinées à recevoir les bras du chariot qui transporte la bière. Le laboratoire est fermé par deux portes dont l’une est munie d’une garniture réfractaire. Devant elles se dresse le chariot monté sur ses rails et tendant, vers le four, deux longs bras mobiles et creux qui contiennent de l’eau destinée à modérer la chaleur excessive à laquelle ils sont soumis quand ils entrent dans la fournaise.

A côté de la pièce sombre et voûtée qui renferme tout cet appareil, se trouve une sorte de chapelle nue, sans autel et sans attributs religieux. Un catafalque se dresse au milieu des tentures noires qui tombent des voûtes. C’est là que se place le cercueil en sortant du char funèbre. Entre le catafalque et la porte, on a disposé des