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transmit au préfet de la Seine une délibération invitant le gouvernement à présenter à bref délai, à la chambre, un projet de loi dans ce sens, et, en attendant, à autoriser des expériences d’incinération sur les corps ayant servi de sujets de dissection. Le ministre de l’intérieur y répondit par un refus catégorique ; mais le conseil municipal ne se tint pas pour battu et il finit par obtenir gain de cause. Au mois de décembre 1884, le préfet de la Seine autorisa la construction d’un crématoire destiné au service des hôpitaux et des amphithéâtres. Aussitôt l’autorisation obtenue, un ingénieur de la ville fut envoyé en Italie pour y étudier les différens systèmes mis en usage dans le pays.

L’année suivante, le conseil adopta le projet de MM. Barthet et Formigé et décida qu’il serait mis à exécution dans la 87e division du Père-Lachaise. Le monument devait contenir trois fours du système Gorini ; mais on n’en installa d’abord qu’un seul. Les premières expériences y furent faites, le 22 octobre 1887, en présence du conseil municipal. Deux varioleux apportés la veille du cimetière d’Ivry y furent brûlés l’un après l’autre. La combustion fut lente, incomplète et dispendieuse. C’était un échec, il fallait trouver un appareil plus efficace et plus expéditif.

En attendant, la chambre des députés n’avait pas voulu se laisser distancer par le conseil municipal. Dès le mois de novembre 1883, M. Casimir Périer avait déposé un projet de loi pour rendre la crémation facultative. Il n’y avait pas été donné suite ; mais le 30 mars 4885, au cours de la discussion de la loi sur la liberté des funérailles, M. Blatin fit adopter par la chambre un amendement aux termes duquel « tout majeur ou mineur émancipé, en état de tester, peut opter pour l’inhumation ou l’incinération, léguer tout ou partie de son corps à des établissemens d’instruction publique ou à des sociétés savantes et régler les conditions de ses funérailles, notamment en ce qui concerne le caractère civil ou religieux à leur donner. »

Le sénat adopta cet amendement avec une modification sans importance et la loi fut promulguée le 15 novembre 1887. Un règlement d’administration publique devait fixer ultérieurement les conditions applicables aux différens modes de sépulture. Le décret du 27 avril 1889 y a pourvu. Son titre ni est consacré à l’incinération et détermine les justifications à produire et les conditions auxquelles il faut se conformer.

Pendant que l’affaire suivait ainsi les voies légales, la question des appareils avait fait son chemin, et l’on avait substitué au four Gorini, installé en 1887, dans le monument du Père-Lachaise, un crématoire du système Toisoul et Fradet. C’est celui qui fonctionne