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admonestation suffisait ? que, s’il y avait une faute plus grave, un véritable délit, c’était à un tribunal militaire de prononcer sur le coupable ; que dans tous les cas, par ses procédés, le ministère méconnaissait l’inviolabilité parlementaire. Le ministère, il faut l’avouer, s’est défendu de son mieux ; il a maintenu son droit à l’égard du général Daban. Il n’a pas moins accompli un acte bien singulier en commençant par infliger une peine disciplinaire pour finir par aller demander au sénat la permission d’aller jusqu’au bout de ses répressions, comme s’il doutait de son droit.

Eh ! sans doute, cette intervention des généraux dans la politique est un fait toujours périlleux, quoique peu nouveau au-delà des Pyrénées. Le mal est déjà ancien, il devient en certains momens d’autant plus redoutable qu’il est contagieux ; mais évidemment ce qui se passe depuis quelques jours à Madrid est en partie la faute du ministère, de sa politique flottante et incohérente à l’égard de l’armée, de la direction indécise et mobile qu’il a donnée aux affaires militaires. Qu’on remarque bien que depuis trois ou quatre ans chaque nouveau ministre de la guerre n’a été à peu près occupé qu’à défaire ce que son prédécesseur avait fait, en subissant lui-même toutes les fluctuations de la politique. Le résultat est un affaiblissement d’autorité malheureusement assez encourageant pour tous les mécontens. Aujourd’hui, l’éclat est fait ! Les choses en sont venues à ce point que, quel que soit le dénoûment des débats qui s’agitent à Madrid, que le général Daban aille faire ses arrêts ou qu’il ne les fasse pas, le ministère n’est pas moins atteint. On ne peut guère échapper à une crise ministérielle dont tout le monde a le pressentiment à Madrid. M. Sagasta paraît être au bout de son règne, et quel que soit son successeur, il est certain qu’il héritera de bien des difficultés accumulées dans les affaires espagnoles.

Depuis longtemps aussi le pays le plus voisin de l’Espagne, le Portugal, ne s’était trouvé dans une situation plus délicate, qui pourrait aisément devenir critique. Les élections qui viennent de s’accomplir, les derniers actes inspirés au cabinet de Lisbonne par le scrutin d’hier laissent entrevoir en partie cette situation. Il y a évidemment un certain ébranlement, des fermentations plus ou moins révolutionnaires, des malaises qui commencent à devenir inquiétans.

Cet état a surtout deux causes : la première, la plus grave, est la violence que l’Angleterre a faite il y a trois mois à ce bon petit pays au sujet des affaires d’Afrique et que le Portugal a été obligé de subir, comme la faiblesse subit fatalement la loi de la force. Le Portugal, c’est bien clair, ne pouvait résister à l’impérieux ultimatum anglais du 11 janvier et braver les conséquences d’un conflit par trop inégal. Il a dévoré l’affront et ne l’a pas oublié ! L’opinion portugaise a gardé son ressentiment qu’elle a manifesté de toute façon, autant qu’elle l’a pu. Elle n’a pas seulement essayé de se dérober à l’influence anglaisé en