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produits de la sculpture et de la gravure, — là où ils n’attestent pas une influence directe de l’art grec, comme dans les bas-reliefs bouddhistes de Yousoulzaï et dans les scènes bachiques de Mathura, — se rattachent aux monumens de la Perse par l’adoption de motifs en quelque sorte classiques dans l’architecture persépolitaine, tels que ces chapiteaux formés par des animaux tantôt affrontés, tantôt adossés, qui sont comme une signature plastique, dans le premier cas, de l’Assyrie, dans le second, de l’Égypte. En réalité, — qu’on parte de la Grèce ou de l’Inde, voire de la Libye, de l’Étrurie ou de la Gaule, — on finit toujours, d’étape en étape, par aboutir à deux grands centres de diffusion artistique partiellement irréductibles l’un à l’autre : l’Egypte et la Chaldée, avec cette différence que, vers le VIIIe siècle avant notre ère, la Mésopotamie s’est mise à l’école des Égyptiens, tandis que l’Egypte ne s’est jamais mise à l’école de personne. Or, non-seulement les symboles, comme nous l’avons constaté plus d’une fois au cours de cette étude, ont suivi les mêmes routes que les thèmes purement décoratifs, mais encore ils se sont transmis de la même façon, dans les mêmes temps, et, pour ainsi dire, dans la même proportion. Je suis loin de contester qu’il n’y ait eu, chez presque tous les peuples, des centres de création symbolique indépendans et autonomes. Mais à côté des types autochtones, nous trouvons partout les apports d’un puissant courant qui a ses origines plus ou moins lointaines dans le symbolisme des rives de l’Euphrate et du Nil. Pour tout dire, les deux ordres d’importations sont si connexes qu’en faisant l’histoire de l’art on fait en grande partie l’histoire des symboles ou du moins de leurs migrations, comme on peut s’en convaincre dans les belles études que MM. Perrot et Chipiez ont consacrées à l’histoire de l’art antique.

Il y a toutefois, dans les recherches relatives aux symboles, cette distinction à observer que la forme n’y est pas tout. C’est l’intention qui fait le symbole, et par là le symbolisme relève de la psychologie, en même temps que son histoire mérite une place à part dans le tableau général du développement de la culture humaine. À ce point de vue, nous avons encore à dire un mot d’autres migrations : celles où un symbole passe, non plus d’un pays à un autre, mais, sur le même sol, d’une religion à celle qui lui succède. Dans le cas le plus fréquent, c’est la pression populaire qui introduit dans le nouveau culte des symboles consacrés par une longue vénération. Quelquefois ce sont les novateurs eux-mêmes qui profitent des avantages offerts par le symbolisme pour dissimuler, sous l’antiquité de la forme, la nouveauté de la doctrine, et, au besoin, pour transformer en alliés des emblèmes ou des traditions qu’ils