Il nous montre à quel point l’Église était un gouvernement libre et populaire, le seul qui subsistât encore depuis que les rigueurs du fisc, faussant les institutions municipales, en avaient fait la plus dure des servitudes. C’est là que s’était retiré tout ce qui restait de force et de vie dans ce vieux monde épuisé.
Les précautions prises par l’évêque d’Hippone étaient sages ; le danger devenait tous les jours plus grand. Après avoir appelé les Vandales en Afrique, dans un moment de dépit, le comte Bonifacius, ramené par saint Augustin à son devoir, n’avait pas pu les en faire partir. Ils s’avançaient sans cesse, terribles pour les populations et le clergé catholiques, contre lesquels les donatistes, leurs alliés, les excitaient, et que d’ailleurs ils n’aimaient guère, en leur qualité d’ariens. La terreur était si grande à leur approche, surtout parmi les évêques et les prêtres, que beaucoup se demandaient s’ils devaient les attendre ou les fuir. Augustin fut consulté, comme on le faisait dans toutes les circonstances graves, et il n’hésita pas à répondre qu’il fallait rester. Sa lettre est assurément l’une des plus belles qu’il ait écrites : il discute avec une logique ferme et serrée, sans emportement, sans déclamation, d’un ton résolu, calme, presque froid, comme s’il ne s’agissait pas, pour lui et les autres, de risquer leur vie. Les timides ne manquaient pas de raisons, qui leur semblaient bonnes, pour justifier leur prudence. Le Christ n’avait-il pas dit à ses disciples : « Quand on vous persécutera dans une ville, fuyez dans une autre ? » N’était-ce pas obéir à ses préceptes que de faire comme beaucoup d’évêques espagnols, qui s’étaient mis à l’abri des barbares ? En veillant à leur salut, ils agissaient dans l’intérêt même des fidèles, auxquels ils conservaient leurs prêtres, et qui, d’ailleurs, s’ils les avaient vus se dévouer, pouvaient se croire obligés de partager leur sort, ce qui aurait amené une véritable dépopulation de catholiques. Saint Augustin répond victorieusement à tous ces sophismes. Il explique les passages des Écritures dont on a faussé le sens et en cite d’autres où le devoir des prêtres, en ces malheurs, est très nettement tracé. Il condamne sans ménagement les évêques d’Espagne, s’il est vrai qu’ils se soient conduits comme on le prétend. Quant aux fidèles, pour lesquels on prétend se conserver, on sait bien ce qu’ils souhaitent et la meilleure manière de leur être utile. « Dans ces calamités, les uns demandent le baptême, les autres la réconciliation ; tous veulent qu’on les console. et qu’on affermisse leur âme par les sacremens. Si les ministres manquent, quel malheur pour ceux qui sortent de la vie sans être régénérés ou déliés ! Quelle affliction pour la piété de leurs parens, qui ne les retrouveront pas avec eux dans le repos de la vie éternelle ! Enfin, quels