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militaire l’exemption complète des séminaristes et ne leur concédait qu’une exemption partielle (un an de service au lieu de trois), réduisait à 46 millions le budget des cultes qu’elle avait trouvé à 53. Comme, à chacune de ces mesures et de beaucoup d’autres moins considérables, mais dirigées dans le même esprit, le mécontentement du clergé allait augmentant, et se témoignait, aux élections, par une hostilité non déguisée pour les institutions actuelles et pour les candidats qui les défendaient, que le premier soin de ces candidats, une fois assis au Palais-Bourbon, était naturellement de rendre coup pour coup à ces robes noires qui les avaient combattus, la guerre a continué ainsi par ce seul motif qu’elle avait duré longtemps et que chacun avait toujours à venger quelque injure. — « Comment pourrions-nous jamais accepter la république, dit le clergé, elle ne nous a fait que du mal ! » — « Quelle entente sera jamais possible avec le clergé, disent les républicains, il est irréconciliable ! S’il s’était tenu tranquille, on ne l’aurait pas envoyé à la caserne ; il ne sera content que lorsqu’on lui aura supprimé son traitement. » — Ce langage assez franc, même un peu cynique, est celui de beaucoup d’hommes de gauche à l’heure des confidences. Cependant, ni la république n’a fait grand tort à l’Église, ni l’Église n’a porté grand préjudice à la république ; l’une et l’autre restent sur leurs positions. Que nous réserve le lendemain ? lin ce moment, les questions irritantes sommeillent ; qu’on ne s’y fie pas, elles se réveilleront, et il n’est qu’un moyen de les prévenir.

Ce qui crée aux griefs mutuels du clergé et du gouvernement républicain une base solide, ce qui rend ces griefs plausibles, c’est précisément l’existence de ce concordat qui est censé les unir, les obliger à une affection, à des devoirs réciproques. Deux époux, deux associés, ne peuvent, en bonne justice, se considérer comme mariés ou liés seulement dans ce qu’ils croient leur être avantageux, et comme étrangers ou hostiles dans ce qui peut ne pas leur plaire. C’est de cette inconséquence que vient tout le mal. Le prêtre qui est tenu de prier Dieu pour le salut de la république, le prêtre dont le chef suprême entretient, à Paris et à Rome, des rapports diplomatiques, que tout me porte à croire cordiaux, avec cette république, a mauvaise grâce à déclarer, comme le faisait, au mois de septembre dernier, la Semaine religieuse d’un diocèse de ma connaissance, que « ce serait commettre un péché mortel » et « vendre à nouveau son Dieu comme Judas, » que de donner sa voix aux députés amis du pouvoir actuel. De son côté, une république qui reconnaît, par un traité compris au nombre des lois de l’État, que « la religion catholique, apostolique et romaine est la religion de la grande