Page:Revue des Deux Mondes - 1890 - tome 99.djvu/378

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

où des articles lui furent souvent demandés pour le Bulletin de Paris, articles par trop injurieux contre les Anglais, et qui n’avaient même pas le mérite d’être de bon goût dans la plaisanterie ; du reste, il ne les signait pas. Peu après la proclamation de l’empire, il se fit prier par M. de Talleyrand et l’empereur de composer une Histoire de la Monarchie française. Les origines de la France et l’examen raisonné de son gouvernement dans les époques successives avaient été, dès sa jeunesse, l’objet d’une étude passionnée. L’empereur crut, sans doute, lui commander un gros pamphlet bien monarchique. M. de Montlosier ne pensa pas un instant à envisager le sujet sous un tel aspect. Ses opinions sur la conquête, sur la diversité des races, sur l’établissement féodal, sur les progrès du pouvoir royal, qui lui semblaient autant d’usurpations, ses nobles colères contre la destruction des libertés féodales, ses dédains pour le tiers-état, cette race conquise, en un mot, les imaginations de sa vie entière vinrent prendre place dans son livre. Il n’aurait pu y mettre autre chose, malgré son désir sincère de ne point déplaire au maître. Il ne réussit pas à lui faire lire le manuscrit, ni même une analyse que j’ai encore. M. de Talleyrand n’avait pas non plus le loisir d’apprécier un si gros ouvrage. M. d’Hauterive en était le seul lecteur, et assurément ni lui ni aucun autre n’auraient pris la responsabilité d’en autoriser l’impression. La Monarchie française n’a paru que pendant la restauration ; le gouvernement royal pouvait en être encore plus mécontent que ne l’eût été le gouvernement impérial ; mais les événemens empêchaient l’attention de se porter sur cette œuvre.

M. de Montlosier fut plus tard un des correspondans par qui l’empereur voulait être informé de l’opinion publique, et plus spécialement de ce que pensaient sur ses actes, sur la situation et les circonstances, les hommes de valeur qu’il tenait dans le silence. M. Fiévée, Mme de Genlis, d’autres encore étaient chargés de cet office. M. de Montlosier attachait une extrême importance à ce que l’on ignorât sa mission, car le public interprétait avec malveillance ce genre de relation, et y supposait à tort plus de police que de politique. Un jour, l’empereur, lisant en calèche une lettre de M. de Montlosier, en laissa tomber un feuillet que ramassa un de ses pages, neveu de M. de Fontanes. Il le montra à son oncle, qui en connaissait l’écriture. Le secret divulgué, M. de Montlosier cessa d’écrire. Cette correspondance passait par M. de la Valette. J’en ai lu une grande partie ; elle ne pouvait nuire à personne, et ses conseils sans doute ne servaient guère à l’empereur. M. de Montlosier était essentiellement critique et non pas pratique.

Je rencontrais assez souvent Cazalès, son collègue de l’assemblée nationale, chez le tribun Fabre (de l’Aude), depuis sénateur et