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enseignemens relativement élémentaires et professionnels qui doivent être partout, on donnerait avec toute l’ampleur et toute la multiplicité qu’exige la science, les enseignemens purement scientifiques, ceux qu’on ne doit pas disséminer faute de ressources et de sujets. Y aurait-il donc si grand mal à ce qu’un étudiant commençât ses études à Poitiers ou à Clermont, et, une fois sa vocation affermie et éclairée, allât la compléter ailleurs ? N’y aurait-il pas au contraire à cette pratique toute sorte d’avantages ? Ne deviendrait-il pas possible par elle de constituer fortement quelques centres savans, de les mieux doter, de les pourvoir de ce luxe qui est le nécessaire de la science, d’en faire pour la carrière des maîtres un degré et un intermédiaire entre les autres Facultés et Paris, de susciter de l’un à l’autre de ces rivalités qui tournent au profit du pays tout entier, et de provoquer d’un point à l’autre, au lieu de l’immobilité quasi-générale d’aujourd’hui, une circulation incessante des étudians ? Serait-ce d’ailleurs bien autre chose que confirmer, renforcer et généraliser des faits existant déjà ? Toutes nos Facultés des lettres et des sciences sont-elles également pourvues ? N’en est-il pas qui ont deux fois plus d’enseignemens que les autres ? N’en est-il pas qui n’ont jamais fait un docteur ? N’en est-il pas qui ont le privilège, parce qu’elles ont plus de ressources, de préparer à l’agrégation ? Ne prend-on pas soin, depuis quelques années, de leur envoyer, à elles seules, les boursiers de cet ordre ? Ne reçoivent-elles pas, des Facultés voisines, moins complètement outillées, des licenciés dont elles font des agrégés ? N’en est-il pas de même dans la médecine ? Des centaines d’étudians ne commencent-ils pas leurs études dans les écoles, pour aller les compléter ensuite auprès des Facultés ? — Il n’y aurait là rien d’impossible, puisqu’en partie déjà c’est fait, et, en somme, il n’y aurait là rien que de conforme à la fois aux intérêts de la science et aux exigences des faits accomplis.


IV

Jusqu’ici, je n’ai envisagé les Universités que dans leurs rapports avec l’État. Pour qu’elles soient, pour qu’elles vivent, pour qu’elles prospèrent, il faut qu’elles en aient d’autres, solides et multipliés, avec leurs propres milieux, et ceux-là, si l’État peut en favoriser l’établissement par une large liberté, il n’est en son pouvoir ni de les créer, ni de les soutenir. C’est des Universités elles-mêmes et de leurs milieux qu’ils doivent sortir.

On s’est demandé plus d’une fois déjà, et l’on se demandera certainement encore, si ce n’est pas une chimère que de rêver des